Au printemps et à l’été 1943, pendant qu’un officier de l’Aviation royale du Canada supervisait le creusement de tunnels secrets qui devaient servir à l’évasion d’un camp de prisonniers de guerre des nazis (sujet du film de guerre La grande évasion), un officier de la marine allemande faisait de même pour faire évader les prisonniers d’un camp canadien de l’autre côté de l’océan Atlantique, 6 500 kilomètres plus à l’ouest.
Mais, les efforts d’Otto Kretschmer, as des U-boots surnommé le « roi du tonnage », furent moins fructueux que ceux de Wallace Floody, capitaine d’aviation de Chatham, Ont., qui fut immortalisé dans le film sous le nom du « roi des tunnels ».
Kretschmer s’engagea dans la marine allemande en 1934 et il fut affecté deux ans plus tard aux U-boots. Il avait déjà commandé un sous-marin pendant deux ans quand éclata la Seconde Guerre mondiale, et il fit sombrer un navire danois et un contretorpilleur britannique peu après.
En avril 1940, il reçut le commandement de l’U-99 et se spécialisa dans les attaques nocturnes à la surface : il traversait les convois en diagonale pour cibler des navires individuellement. Il attachait beaucoup de valeur à la précision. Sa devise, « Un navire, une torpille », enfreignait la directive de la Kreigsmarine qui était de lancer des salves pour garantir le naufrage des embarcations.
À la tête de l’U-99, Kretschmer fit couler une quarantaine de bâtiments. Cela lui valut le surnom de « roi du tonnage », car pendant sa carrière militaire de 18 mois, il envoya par le fond plus de 270 000 tonnes de marchandises.
Le 16 mars 1941, lors de sa huitième patrouille, l’U-99 coula cinq navires en une heure. Avec un stock de torpilles épuisé et avec un submersible bien visible dans les flammes des navires incendiés, Kretschmer se sentit (tel que cité dans la nécrologie publiée par le Daily Telegraph) « aussi exposé qu’un homme prenant un bain de soleil sur une plage ».
Il plongea en catastrophe, mais il avait déjà été repéré par l’escorte du convoi et il fut attaqué par le HMS Walker. Six grenades sous-marines firent descendre l’U-99 sous la profondeur d’écrasement, puis il refit brusquement surface. L’appareil à gouverner avait été endommagé et les réservoirs de carburant avaient été fracassés. Il envoya un message en Allemagne : « Grenades sous-marines—capturé—Heil Hitler—Kretschmer. »
Il ordonna le sabordage de l’U-99 pour éviter que les Alliés ne s’en emparent, puis enjoignit à son équipage de mettre les canots de sauvetage à l’eau. Il envoya ensuite un message en morse avec une lampe au navire britannique : « De capitaine à capitaine. Prière de sauver mes hommes à la dérive vers vous. Je sombre. » Seuls trois hommes périrent lors du sabordage du sous-marin; 40 furent sauvés.
La perte de l’U-99 fut « un coup dur pour le moral et la propagande des Allemands », déclara-t-on dans le rapport d’interrogatoire britannique, surtout qu’un autre U-boot avait été capturé la nuit même. C’était « une importante victoire » aux premiers jours de la bataille de l’Atlantique.
Kretschmer et son équipage furent transférés à Londres, où les membres de la Royal Navy trouvèrent en l’interrogeant qu’il était « moins nazi qu’on ne l’avait supposé », et que bien qu’il eût 29 ans, il avait plus l’air d’un étudiant que d’un capitaine d’U-boot.
L’équipage « avait une impression exagérée de son importance et de sa dignité; cette estime de soi démesurée sans doute causée par l’adulation publique à laquelle il était habitué. »
La satisfaction que l’équipage affichait était surprenante. « Pour la première fois pendant la guerre, on ne note aucune critique à l’égard des officiers; au contraire, les hommes ont exprimé un fort degré de loyauté et d’admiration pour leur capitaine. »
Kretschmer était un héros national acclamé. Adolph Hitler lui-même l’avait décoré de la croix de chevalier avec épées et feuilles de chêne. L’équipage était reçu au champagne lorsqu’il était en permission à terre.
Le premier lieutenant déclara lors des interrogatoires que sur les 14 torpilles récemment tirées par l’U-99, 12 avaient atteint leur objectif, une l’avait manqué, et que la dernière n’avait pas fonctionné. « Cette déclaration est considérée comme étant erronée, nota-t-on dans le rapport de renseignements, mais l’équipage estime qu’il s’agit là d’une réussite extraordinaire ». C’était la première fois que les Britanniques entendaient la devise « Un navire, une torpille ».
Pendant que le capitaine de l’U-boot allemand était interrogé et envoyé dans un camp de prisonniers de guerre, d’abord en Angleterre, puis au Camp 30 près de Bowmanville, Ontario, le capitaine d’aviation Clarke Wallace Chant Floody suivait en Angleterre une formation de pilote de Spitfire à l’Escadrille no 401 de l’ARC.
Il avait 18 ans en 1936, au pire de la tourmente de la Grande Dépression. Il s’était alors fait embaucher comme chargeur de berlines, où il était payé à charger de cailloux et de boue les wagonnets d’une mine de l’Ontario du Nord. Puis, après un emploi de courte durée comme employé de ranch en Alberta, il s’était marié et il s’était installé en Ontario avec l’intention de travailler dans l’industrie minière.
Il s’enrôla dans l’Aviation royale du Canada en 1940, où il devint pilote de chasse. Lors de sa première mission de combat au-dessus de la France, le 27 octobre 1941, les commandes de son Spitfire furent détruites par un Messerschmitt. Floody actionna son parachute et fut immédiatement capturé. Six mois après Kretschmer, il devint ainsi prisonnier de guerre à l’âge de 23 ans.
Floody fut envoyé au Stalag Luft I, situé près de Barth, Allemagne, au bord d’un lagon de la mer Baltique. Il mit immédiatement son expérience minière à profit et participa à de nombreuses tentatives d’évasion. S’échapper, expliqua-t-il plus tard, « ce n’était pas seulement un devoir; on faisait de notre mieux pour décamper ».
En 1942, il fut envoyé à un camp mieux sécurisé, à environ 400 kilomètres plus à l’intérieur des terres, dans la ville qui est désormais Zagan, en Pologne. Le Stalag Luft III avait des barbelés, des mitrailleuses dans les tours de guet, des patrouilles itinérantes, des furets et des gardes expressément chargés de déceler les signes d’évasion. Les huttes étaient sur pilotis, situées à bonne distance de la clôture périphérique où tous les arbres avaient été coupés. Le sol sablonneux n’était pas propice au creusement, mais au cas où, il y avait quand même des dispositifs d’écoute pour détecter tout bruit suspect. D’après les Allemands, il était impossible de s’en échapper.
Floody fut l’un de ceux qui leur donnèrent tort. Il fut immédiatement recruté par le comité qui planifiait l’évasion de 250 prisonniers. On espérait que certains arriveraient à rentrer en Angleterre, mais on s’attendait surtout à ce que les évadés se dispersent en sortant du camp, ce qui obligerait les Allemands à mobiliser des hommes et des ressources pour les rattraper.
Le projet consistait en trois tunnels de 100 mètres, à neuf mètres sous terre, hors de portée des dispositifs d’écoute allemands. Floody conçut l’éclairage, la ventilation et les systèmes électriques, et il était si crucial aux opérations qu’on lui interdit de se joindre aux autres tentatives d’évasion. On avait besoin de lui pour les tunnels, surnommés « Tom », « Dick » et « Harry ».
« J’en ai vraiment marre, se plaignait-il. On dirait que je passe ma vie dans un trou puant », fut-il rapporté des années après dans la nécrologie du Daily Telegraph londonien.
Les tunnels, étayés par des lattes de bois prélevés sur des couchettes, faisaient à peine plus d’un demi-mètre de largeur. Floody, six pieds trois, en était claustrophobe, mais il creusait quand même quand c’était son tour. Par deux fois, les tunnels s’effondrèrent sur lui.
Les prisonniers récupéraient (et volaient) tout ce qu’ils pouvaient. Ils utilisaient des boites de lait en poudre comme outils et lampes. Ils improvisèrent un système de ventilation avec des matériaux de rebu. Des équipes fabriquaient des documents d’identité et de voyage, ainsi que des vêtements, afin que les évadés puissent se faire passer pour des civils. Floody garda le talon d’une vieille botte pendant des années : elle avait été sculptée au rasoir pour reproduire un tampon en caoutchouc nazi. Ils soudoyaient des gardes amicaux pour se procurer des horaires de train, des piles et des vêtements ou ils leur soutiraient. Ils s’appropriaient de la literie, des lits de camp, des tables et des chaises.
Chaque mètre de tunnel produisait 1,3 tonne de terre qu’il fallait cacher. Ils en mélangeaient à la terre des jardins et en entreposaient dans les greniers des casernes ainsi que dans l’un des tunnels inutilisés. Comme il y avait plus de 11 000 prisonniers entassés dans des casernes étalées sur 24 hectares et que des prisonniers étaient affectés à distraire les gardes indiscrets, ils parvinrent à leurs fins.
Les prisonniers allemands au Canada étaient détenus dans un ancien centre d’éducation surveillée pour les garçons. Même après des agrandissements, il abritait moins d’un dixième de la population du Stalag Luft III. Et vu les hauts gradés et les nombreux prisonniers dont la réputation n’était plus à faire, notamment trois généraux, on leur accordait une attention particulière.
C’est dans ce contexte que Kretschmer planifia son évasion. Non seulement il devait s’échapper du camp, mais il devait éviter la capture pendant les jours ou les semaines que durerait le voyage vers la côte atlantique, avant de trouver un moyen de traverser l’océan pour regagner l’Allemagne.
Il se tourna vers le commandement allemand des sous-marins pour obtenir de l’aide. Un autre prisonnier était marié à la secrétaire de l’amiral Karl Dönitz, qui avait créé la flotte de sous-marins et l’avait dirigée, et qui était alors commandant en chef de la marine allemande. Kretschmer se servit des conjoints comme intermédiaires pour transmettre les messages codés dans lesquels la première lettre de chaque mot et les tirets et les points de code Morse s’équivalaient.
Kretschmer suggéra un itinéraire d’évasion et choisit Pointe Maisonnette, sur la baie des Chaleurs, au Nouveau-Brunswick. Idéalement, un U-boot viendrait récupérer les évadés le 27 ou le 28 septembre. L’opération Kiebitz était née, et elle permettrait à quatre membres importants du personnel de la Kriegsmarine de s’évader.
Elle fut bientôt suivie d’une contre-intrigue canadienne, l’Opération Pointe Maisonnette. Le renseignement naval canadien avait décodé les communications entre l’Allemagne et le Canada et coordonnait ses forces avec celles de la GRC pour déjouer la fuite en masse des prisonniers.
Les colis furent fouillés plus attentivement. Le laboratoire judiciaire de la GRC à Regina trouva du matériel d’évasion dissimulé dans la reliure d’un roman envoyé dans un colis de la Croix-Rouge : une carte marine de la côte est, une fausse pièce d’identité, et de l’argent. Le point de rencontre était indiqué sur la carte. La capture d’un U-boot fut donc incluse dans les plans; un très beau coup assurément.
Le livre ne pouvait pas être remis dans son état initial, alors pour éviter de révéler leur découverte, les agents du renseignement de la GRC le démantelèrent soigneusement, photographiant chaque étape, puis créèrent des copies de la couverture et de la reliure. Ensuite, ils cachèrent le contenu secret dans la reliure et l’envoyèrent au camp 30.
Les plans d’évasion reflétaient, à plus petite échelle, ce qui se passait au Stalag Luft III. Kretschmer décida également de creuser trois tunnels, dont un faisant 90 mètres de long, au cas où l’un serait découvert. Plus de 150 prisonniers participèrent aux efforts. Il y avait aussi des équipes qui préparaient de faux papiers et qui collectaient ou fabriquaient des vêtements civils. Les prisonniers recevaient également des articles bien utiles dans les colis de la Croix-Rouge, comme de l’argent canadien caché dans les doubles fonds de boites de conserve.
Toutefois, l’équipe de Kretschmer n’avait pas de Wally Floody. Ses tunnels étaient à moins de cinq mètres sous la surface, à portée des dispositifs d’écoute que la GRC utilisait pour suivre les progrès des préparatifs d’évasion. Le premier tunnel s’effondra à cause d’une infiltration d’eau. Les Allemands cachaient la terre dans les plafonds des casernes, et l’un s’affaissa une semaine avant la date de l’évasion, ce qui entraina la fouille du camp.
Puis, un tunnel s’effondra quand un prisonnier marcha au-dessus : la scène était bien trop évidente pour qu’on ferme les yeux dessus. Les futurs ex-évadés furent arrêtés. L’opération Kiebitz était kaput.
Cependant, le commandant de l’U-536, le sous-marin qui devait venir chercher les évadés, ne savait rien de tout cela. Un piège tendu au kapitänleutnant Rolf Schauenburg (voir l’encadré ci-haut) était en train de se fomenter.
L’opération Pointe Maisonnette reposait à l’origine sur un stratagème complexe. Les prisonniers s’échapperaient et seraient recapturés immédiatement. Les médias seraient informés d’une évasion en masse et de fausses nouvelles sur des captures fictives seraient diffusées, en utilisant de faux noms d’évadés, mais pas ceux des évadés qu’il fallait rattraper. Tout laisserait à penser pour le commandant de l’U-boot que l’opération se déroulait comme prévu. Mais quand l’U-boot arriverait au point de rencontre, il serait accueilli par un « officier » germanophone à la tête d’une équipe d’arraisonnement qui prendrait le contrôle du submersible.
Les Britanniques mirent leur veto à ce plan. On allait miser sur une souricière en mer pour cerner l’U-boot et le couler.
Les plans pour recapturer les prisonniers ne changèrent pas, et même si l’évasion de Kretschmer fut déjouée, Wolfgang Heyda, capitaine de l’U-boot, lui, s’évada vraiment et parvint jusqu’à la Pointe Maisonnette (voir l’encadré à la page 9).
L’U-536 s’introduisit dans la baie des Chaleurs dans les délais prévus. Pendant deux semaines, il remonta à la surface toutes les nuits et attendit les signaux lumineux du rivage durant deux heures. Un contretorpilleur, trois corvettes et cinq dragueurs de mines se cachaient derrière une ile voisine.
Le NCSM Rimouski, camouflé par un éclairage tamisé qui le rendait pratiquement invisible de nuit, était à la tête de la flottille. Il devait entrer dans la baie en secret et capturer le sous-marin.
Schauenburg était un capitaine expérimenté qui avait servi à bord du cuirassé Admiral Graf Spee, sabordé après la première bataille navale de la guerre. Il avait été fait prisonnier, s’était échappé à deux reprises, avait été recapturé, puis libéré suite à des négociations diplomatiques. Il avait rejoint le service des U-boots après son retour chez lui.
L’ancien prisonnier de guerre avait un bon instinct, et il était déjà méfiant quand il arriva à la baie des Chaleurs. Des membres de son équipage avaient repéré quelques navires de guerre, et l’absence de bateaux dans la baie était louche. Le 27 septembre, des feux de signalisation s’allumèrent sur la côte, mais ce n’étaient pas les bons. Un officier anglais qui parlait allemand tenta alors d’établir la communication par radio avec l’U-536. Schauenburg, alarmé, s’éloigna du rivage et gagna les profondeurs.
Heyda, quant à lui, venait d’être capturé à environ un kilomètre du lieu de rendez-vous. Il entendit des grenades sous-marines pendant qu’il se faisait interroger : c’était la marine à la poursuite du de l’U-boot.
Toutefois, Schauenburg échappa à ses poursuivants en restant immergé dans les eaux très peu profondes et faisant lentement son chemin. Le 5 octobre, il avertit l’amirauté allemande que le plan avait échoué. L’U-536 fut coulé six semaines après par la frégate britannique Nene et la corvette canadienne Snowberry en attaquant un convoi au nord-est des Açores, à l’ouest du Portugal. Ironie du sort, Schauenburg finit la guerre comme il l’avait commencée : prisonnier de guerre; cette fois dans un camp au Canada.
Au printemps 1944, les grands plans d’évasion des officiers alliés furent couronnés de succès. Le premier prisonnier de guerre allié émergea du tunnel du Stalag Luft III le 24 mars et s’aperçut qu’il n’avait pas atteint la forêt avoisinante où il allait se réfugier. Avec d’autres évadés, il dut traverser un terrain à découvert et choisir le bon moment pour s’élancer en évitant les patrouilles et les projecteurs.
Un temps crucial fut également perdu lors d’une panne de courant et du travail de réparation. Seuls 76 hommes, dont neuf Canadiens, passèrent les barbelés avant la découverte de l’évasion; 73 d’entre eux furent recapturés. Floody n’était pas dans le lot.
Trois semaines avant la date de l’évasion, les gardiens étaient devenus méfiants et avaient transféré 20 prisonniers à un autre camp, dont Floody. Cela lui sauva peut-être la vie.
Hitler ordonna l’exécution de 50 des évadés, dont six Canadiens, même si les Conventions de Genève prévoyaient que les sanctions disciplinaires qu’encouraient les prisonniers qui tentaient de s’échapper ne devaient pas dépasser un mois d’emprisonnement (on leur donnait géné-ralement 10 jours). Les Allemands faisaient ainsi passer le message aux Alliés que les évasions étaient prises très au sérieux.
Seulement, pour les prisonniers des deux côtés de l’océan, s’enfuir restait un devoir. L’Ordre de l’Empire britannique fut décerné à Floody, qui l’avait accompli.
« Le capitaine d’aviation Floody a été en grande partie responsable de la construction du tunnel emprunté par 76 officiers pour s’échapper du Stalag Luft III, est-il dit dans la citation. Tout au long de son incarcération, il a fait preuve d’une détermination exceptionnelle dans la poursuite de ce travail. Maintes et maintes fois, des projets étaient découverts par les Allemands, mais en dépit de tous les dangers et des difficultés, [il] a persisté, faisant preuve d’un courage et d’un sens du devoir incontestables. »
Floody et Kretschmer ont tous deux réussi dans la vie après la guerre. Le Canadien se fit homme d’affaires et fut cofondateur de la RCAF Prisoners of War Association. Kretschmer retourna à la marine, où il accéda au grade d’amiral. Il devint officier d’état-major de l’OTAN en 1962 puis fut nommé chef d’état-major du Commandement baltique.
Schauenburg le futé
Le commandant de l’U-boot envoyé pour récupérer les Allemands qui devaient s’évader d’un camp de prisonniers de guerre canadien à Bowmanville, en Ontario, fut fait prisonnier au début de la guerre et de nouveau à la fin.
Le kapitänlutnänt Rolf Schauenburg, dont la carrière débuta en 1934, était déjà un marin chevronné quand il participa à la première bataille navale de la Seconde Guerre mondiale en tant qu’officier d’artillerie antiaérienne à bord de l’Admiral Graf Spee, qui avait coulé au moins huit navires marchands avant de se mesurer à des bâtiments britanniques à la bataille du Rio de la Plata, au large de l’Uruguay, le 13 décembre 1939.
Endommagé et n’ayant pas assez de carburant pour rentrer à son port d’attache, le navire fut sabordé et son équipage, dont Schauenburg, fait prisonnier. Schauenburg s’échappa à deux reprises et traversa l’Argentine déguisé en marchand de tissus, mais il fut recapturé les deux fois. Lorsque sa libération fut négociée, il retourna en Allemagne et s’engagea dans le service des U-boots en 1941.
Contrairement à Kretschmer, Schauenburg, âgé de 33 ans, n’était pas aimé de son équipage.
Alors que d’autres équipages d’U-boot bénéficiaient d’un certain laxisme étant donné l’environnement sale, exigu et surchauffé des sous-marins, Schauenburg insistait sur une discipline rigoureuse ainsi que sur une tenue et une hygiène correctes. C’était un nazi fanatique et idéaliste, révèla un homme d’équipage lors de son interrogatoire.
Et il n’avait pas été le premier choix pour la mission : deux autres U-boots avaient été perdus avant de pouvoir mener à bien la mission au Canada.
Grâce à son talent, il attei-gnit la baie des Chaleurs, au large du Nouveau-Brunswick, à temps pour récupérer les évadés allemands du camp 30 de Bowmanville, Ontario. Son instinct lui permit d’échapper au coup de filet des 10 bâtiments de guerre alliés en restant le plus près du rivage possible, à peine submergé, et en écoutant les efforts de recherches en surface à l’aide d’hydrophones. Il atteignit l’Atlantique, mais ne se retrouva pas en sécurité pour autant.
L’U-536 rejoignit une flottille d’U-boots qui sui-vait, au nord-est des Açores, un convoi faisant cap sur Gibraltar le 20 novembre 1943. Le sous-marin, avec une réserve de carburant en baisse et sans torpilles restantes, était submergé lorsqu’il fut repéré par trois des navires d’escorte du convoi, les canadiens Snowberry et Calgary et le britannique Nene.
Le Snowberry lança deux grappes de grenades sous-marines réglées à diverses profondeurs.
« Si le sous-marin n’a pas été endommagé, au moins il a été bien secoué », déclara le lieutenant JA Hamish Dunn, commandant du Snowberry, cité par Michael L. Hadley dans U-Boats Against Canada (les U-boots contre le Canada, NDT).
Le submersible avait en fait été gravement endommagé. Quand il remonta à la surface, « l’équipe d’un canon fit irruption et courut vers son arme. On pouvait voir nos balles traçantes de 20 mm derrière eux avant qu’ils se jettent à la mer. Une autre équipe les suivit et subit immédia-tement le même sort », déclara Frank Moss, matelot de 1re classe du Calgary, cité par Mac Johnston dans Corvettes Canada.
« Rétrospectivement, c’était bien triste, ajouta Mac Orr du Calgary. Si l’équipage n’avait pas essayé de se battre avec nous trois et s’était simplement rendu, au lieu de sauver 18 vies, nous aurions probablement pu sauver tout le monde. »
Schauenburg passa le reste de la guerre dans un camp de prisonniers au Québec.
L’évadé qui ne se douta de rien
L’as des U-boots Wolfgang Heyda réussit à tirer profit de la malchance dont furent accablés d’autres détenus.
Après l’arrestation d’Otto Kreschmer et des autres évadés potentiels de l’opération Kiebitz, Heyda, dont le nom ne se trouvait pas sur leur liste, déjoua la surveillance du camp à l’aide d’une technologie de l’ère de la voile.
Des fils électriques tendus entre des poteaux passaient au-dessus la clôture en barbelés qui entourait le camp de prisonniers de guerre allemands à Bowmanville, Ontario. Heyda eut l’idée d’utiliser une chaise de calfat, une planche suspendue par des cordes comme on les utilisait autrefois pour calfater les navires, comme passeport pour la liberté.
Heyda se servit de grappins improvisés pour grimper sur un poteau, fit glisser une chaise de calfat de fortune le long des fils et au-dessus de la clôture, puis descendit sur le poteau à l’extérieur du camp.
Il s’évada le 24 septembre 1943 alors que d’autres prisonniers détournaient l’attention des gardes. Portant des vêtements civils et avec de l’argent destiné au groupe de Kreschmer dans les poches, il prit le train à Bowmanville et se rendit au Nouveau-Brunswick.
Il se fit passer pour Fred Thomlinson de Toronto, ingénieur de l’armée récemment libéré qui se rendait au Nouveau-Brunswick faire des relèvements géologiques pour la marine. Ses faux papiers avaient la signature contrefaite d’un amiral canadien. Ses documents étaient si bien faits qu’il berna un cordon de sécurité près de sa destination où on l’avertit seulement de ne pas se promener sur la plage tard en soirée.
Ne se doutant pas que quelque chose avait mal tourné, il se rendit effectivement à la plage, où il fut accueilli par des soldats canadiens qui justement le cherchaient. Il fut arrêté alors que le point de rencontre était à portée de vue.
Heyda passa le reste de la guerre au camp 30. Il mourut de la polio trois mois à peine après sa sortie en mai de 1947.
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