L’épée de Tew

Depuis toujours, les guerriers prennent des trophées à leurs ennemis vaincus : des casques, des casquettes, des écussons, des armes à feu, des couteaux et, les plus prisés, des épées.

Une telle épée, qui avait été portée à la bataille de la guerre civile américaine d’Antietam, au Maryland, le 17 septembre 1862, fut longtemps mais temporairement hébergée au Canada.

Plus de 23 000 hommes furent tués, blessés ou capturés à Antietam, dont le colonel sudiste Charles Courtenay Tew, qui fut atteint d’une balle à la tête quand il se leva pour incliner son chapeau lorsque le commandement d’une brigade lui fut confié après la mort de son général.

Un ancien combattant de l’Union rapporta en 1874 qu’il avait enterré Tew et pris une coupe d’argent, cadeau d’élèves officiers de la Hillsborough Military Academy que Tew avait fondée. Il avait remis la coupe à la famille de ce dernier. Par contre, l’épée de Tew, cadeau que lui avaient fait les élèves officiers de l’Arsenal Academy en 1858, avait disparu.

Tew mourut l’épée à la main, dit le capitaine Matthew Manly. « Il l’attira à lui de ses dernières forces, puis […] il tomba, mort. »

L’arme lui aurait été prise par un Canadien : le capitaine John Reid du 8th Ohio Volunteer Army, un voyou qui fut arrêté et emprison-né pour détournement de fonds en 1865. L’épée se retrouva dans une loge des Odd Fellows à Norwalk, Ohio, mais on en perdit ensuite la trace pendant plus d’un siècle.

Le 33e Régiment des transmissions d’Ottawa prenait ses nouveaux quartiers en 2009. Une épée et son fourreau, exposés dans la salle de mess depuis 1963, furent envoyés avec d’autres artéfacts pour évaluation.

« Il s’est avéré que c’était un objet d’une très grande valeur, a déclaré Michael Martin, président de la 33 Signal Regiment Foundation. Inestimable, en fait. Nous avons décidé que le mieux serait de la restituer. » Mais d’abord, il fallait en prouver la provenance.

Amelia Blythe d’Utica, NY, dernière descendante de la famille Sautter, avait donné l’épée à son neveu qui habitait à Ottawa, qui à son tour en avait fait don au régiment, qui s’appelait alors 763 Communications Regiment. Mais comment Amela Blythe s’était-elle trouvée en possession de l’épée?

On a découvert grâce à des recherches rigoureuses qu’un certain Franklin J. Sauter, capitaine du 55th Ohio Regiment, était à Antietam lui aussi. « Nous pensons que l’épée était entre les mains du capitaine Sauter à la fin de la journée », a déclaré Martin. Il l’aurait prise à Reid ou peut-être la lui aurait-il achetée, et l’aurait déposée à la loge, où les soldats des deux régiments se rencontraient souvent. Lorsque Sauter fut tué au combat un an plus tard, l’épée fut probablement envoyée à sa famille (dont le nom s’écrit de diverses façons) à New York.

L’épée a changé de mains pour la dernière fois en 2015. Le régiment canadien et les descendants de Tew l’ont remise au Citadel Military College of South Carolina. Le représentant du collège a déposé une couronne fleurie au lieu de la bataille d’Antietam à l’occasion d’une cérémonie commémorative. Quand il s’est relevé pour saluer, les pétales sont tous tombés à l’endroit où, croit-on, le colonel Tew mourut, l’épée serrée contre sa poitrine.

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