Une journée de guérison

Semblables à celles qui furent utilisées tout de suite après la Première Guerre mondiale, ont été placées par le cortège vice-royal.
Metropolis Studio

Lors du 100e anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, des couronnes blanches ont évoqué le premier jour de l’Armistice à Ottawa

Les premières personnes d’une foule qui allait en rassembler 35 000 sont arrivées dès 7 heures pour le service du jour du Souvenir dans la capitale nationale. Beaucoup sont venues en l’honneur du 100e anniversaire de l’armistice qui mit fin à la Première Guerre mondiale; d’autres, apportant médailles, photos et souvenirs, pour honorer leurs parents ou leurs amis; d’autres encore, par estime envers les 117 000 militaires morts au service dans l’histoire du Canada, et en reconnaissance des vivants qui servent actuellement et des anciens combattants qui continuent de souffrir.

Une couronne spéciale représentant ceux qui ont servi pendant la Grande Guerre a été déposée pendant la cérémonie par John Goheen, directeur d’une école de Port Coquitlam, en Colombie-Britannique. « L’ombre funeste de la Grande Guerre a pesé sur tant de familles, dont la mienne », a déclaré M. Goheen, qui dirige aussi le pèlerinage du Souvenir de la Légion royale canadienne. Son grand-oncle Charles Goheen, tué en France avec d’autres membres de son unité dans des logements à proximité d’une gare de trains bombardée par les Allemands, est enterré au cimetière Communal de Wanquetin. Le cousin de Charles, Walter Goheen, fut atteint par le feu d’une mitrailleuse le 1er octobre 1918, et son corps n’a jamais été récupéré; son nom est inscrit sur le Mémorial national du Canada à Vimy, en France.

Des couronnes blanches avec des coquelicots rouges.
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Le grand-père de M. Goheen, Francis Niles, était membre du 26e Bataillon qui combattait au sud d’Ypres en mars 1916, et comme il avait menti sur son âge, il était au front lors de son 18e anniversaire. « Une explosion lui a déchiqueté l’arrière d’une jambe quelques semaines après. C’était un fermier avant la guerre, et il ne put pas retourner à ses occupations. Sa vie en fut changée à jamais, et il en fut de même pour notre famille. Il était fermier durant la Grande Dépression, même s’il ne se déplaçait qu’à grand-peine. »

L’anniversaire « donne aux Canadiens l’occasion de se pencher sur la Grande Guerre pour savoir ce qu’il en était, ce qui s’est passé pendant ces quatre années, et comment le Canada s’en est trouvé transformé. Dans un pays d’un peu plus de 7,3 millions d’habitants, 600 000 personnes revêtirent l’uniforme, et sur les 345 000 d’entre elles qui servirent au front occidental, il y eut 173 000 victimes, dont 60 000, mortes au combat et 8 000 autres, au cours des deux ou trois années suivantes.

« Trois sur dix s’en sont tirés indemnes physiquement, mais qu’est-ce que cela leur fait, à eux et à leur famille? Mon grand-père en a porté les séquelles toute sa vie. »

Des couronnes sont déposées par (de g. à d.) le président national de la Légion royale canadienne,Tom Irvine, pour les anciens combattants du Canada, la Mère de la Croix d’argent, Anita Cenerini, pour les mères du Canada et M. John Goheen, en l’honneur de ceux qui ont servi à la Grande Guerre.
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Les anciens combattants et les militaires en service de toutes les époques, ainsi que les membres de leur famille, ont été honorés tout au long de l’émouvante cérémonie qui s’est tenue rue Wellington, au Monument national de guerre.

Le Chœur d’enfants d’Ottawa, dirigé par Mme Allison Prowse, a ouvert la cérémonie en chantant Ô Canada, puis le sergent de l’ARC Frédéric Paci a joué la dernière sonnerie à la trompette. Quand, à la 11e heure, les cloches de la Tour de la Paix se sont fait entendre, le 30e Régiment a annoncé le début du silence de deux minutes, puis sa fin, en faisant feu des obusiers C3 placés derrière l’édifice de l’Est de la Colline du Parlement.

Pendant que les notes lugubres de L’élégie, jouée par le sergent Malcolm Odell, emplissaient l’atmosphère, cinq CF-18 Hornet de la BFC albertaine Cold Lake ont traversé le ciel en formation en hommage aux disparus, leurs moteurs faisant vibrer les fenêtres du centre-ville. Le sergent Paci a ensuite joué Le Réveil.

L’Acte du souvenir a été récité en anglais par le président national de la Légion royale canadienne, Tom Irvine, en français par le grand président de la Légion, Larry Murray, et en michif par l’ancien combattant autochtone Guy Mandeville, ponctué par les premiers des 21 coups de canon qui retentissaient à intervalle d’une minute.

« Nous rendons hommage à ceux dont nous connaissons les noms et à ceux dont les noms sont connus de Dieu seul, » a déclaré le major-général et aumônier général des Forces armées canadiennes, Guy Chapdelaine.

Au son d’une interprétation chorale d’In Flanders Fields, la cérémonie de dépôt de couronnes blanches et de coquelicots rouges (d’inspiration séculaire) par le cortège vice-royal a débuté. Le cortège était constitué cette année de la gouverneure générale, Julie Payette, de la Mère de la Croix d’argent, Anita Cenerini (représentant les mères du Canada), du ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan, de la députée et ancienne combattante Karen McCrimmon (représen-tant Anciens Combattants Canada), du chef d’état-major de la défense, Jonathan Vance, du sénateur Peter Harder, de Mme Sophie Grégoire Trudeau (pour le gouvernement du Canada), et du président national, Tom Irvine (pour les anciens combattants du Canada). Sadie Vogel, Hannah Christensen, Maria Singson et Emma Cervinka, gagnantes des concours littéraires et d’affiches séniors de la Légion, ont déposé une couronne au nom de la jeunesse du Canada. Le cadet de l’armée Markus Valtonen, le cadet de la marine Shane Watson, la cadette de l’Air Angelica Filipe et la ranger juniore canadienne Shayden Younker ont porté des couronnes.

A partir d’en h. à g. : Un ancien combattant brave le froid; le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, serre la main d’un élève officier du Collège militaire Royal; une petite fille ajoute son coquelicot aux milliers qui recouvrent la Tombe du Soldat inconnu.
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Dans le cadre de sa prière pour la paix et la tolérance, le général Chapdelaine a plaidé pour le souvenir de ceux qui sont revenus blessés des guerres passées, que ces blessures soient visibles ou invisibles, et en faveur de la « compassion pour nos frères et sœurs qui, pour des raisons connues ou inconnues, ont envisagé de mettre fin à leurs jours. Puissions-nous faire preuve de compassion envers les familles et les amis touchés par ces tragédies. »

Pour la première fois, la Mère de la Croix d’argent est mère d’un soldat qui s’est donné la mort. Mme Anita Cenerini avait visité la Chapelle du Souvenir dans la Tour de la Paix la veille, et elle y avait vu le nom de son fils, le soldat Thomas Welch, qui avait été ajouté à un Livre du Souvenir après une lutte de 13 ans pour que les FAC reconnaissent que sa mort, en 2004, résultait de son affectation en Afghanistan. Le nom de son fils ne devrait pas être le dernier inscrit dans les Livres, dit-elle.

« Quand je pense aux 117 000 hommes et femmes morts au service de notre pays, je ne peux que ressentir le chagrin, la douleur causée par la perte de vies prématurée, comme la ressentent les familles, et les frères d’armes, et les amis, qui pleurent et se lamentent, » ainsi que ceux dont le contact avec la famille militaire a également été rompu par le suicide. « Quand vous êtes mère d’un soldat, vous êtes mère de tous les soldats, » dit-elle. Depuis 13 ans, « il y a eu un abîme entre ma famille et l’armée, » des années où « j’étais coupée de ma famille militaire aussi. »

Mme Cenerini continuera son œuvre de protectrice de la santé mentale. « J’ai fait résonner la voix de Thomas au-delà de sa mort, et cela n’a pas été une tâche facile. Mais c’est une tâche importante, grâce à laquelle on peut espérer que les gens seront en mesure de parler de leur propre voix et que leur voix sera entendue. »

Elle a remarqué que, cette année, le sacrifice du lieutenant-colonel Samuel Sharpe, vétéran de la Première Guerre mondiale et député qui s’est suicidé, a enfin été officiellement honoré, un siècle après sa mort.

« La guérison a commencé, » dit-elle. Il s’agissait là un thème récurrent pendant la journée.

« Nous nous souvenons d’eux, alors nous leur sommes reconnaissants, » eux qui risquent leur avenir pour nous, sachant que certains d’entre eux reviennent du service entiers de corps, mais confrontés à des problèmes comme le trouble de stress posttraumatique, a dit dans sa bénédiction le rabbin Reuven Bulka, aumônier honoraire de la Direction nationale de la Légion royale canadienne. « Que ceux qui sont morts restent dans les cœurs; que ceux qui ont été blessés soient guéris dans le corps et dans l’esprit. »

« Comment montrer notre reconnaissance aux anciens combattants, en vérité les premiers intervenants contre le mal? » a-t-il demandé, et il a répondu ainsi à sa propre question : « En exprimant notre soutien […] en tout lieu et en tout temps; en enseignant à nos enfants que nous leur serons toujours grandement redevables. »

En plus de la cérémonie, il y a eu l’affichage de milliers de photos de soldats tombés au combat au Mur virtuel d’honneur et de souvenir; la pluie de 117 000 coquelicots représentant les morts projetée sur l’édifice du Centre et la Tour de la Paix, ainsi que sur la tour de verre du Centre national des Arts; et au crépuscule, la carillonneuse nationale Andrea McCrady a joué la Sonnerie aux morts avant que la cloche de la Tour de la Paix ne sonne 100 fois en l’honneur du centenaire de la signature de l’armistice qui mit fin à la Première Guerre mondiale.

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