La ménagère

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Le bombardier: G.M. Hart, de l’Artillerie royale canadienne, répare son uniforme à Ossendrecht, aux Pays-Bas, 1944.
BAC PA-143931

À l’école navale, on nous disait : “si nous voulions que vous ayez une ménagère, nous vous en donnerions une”, se souvient le vétéran de la Marine Jim Ross. Et c’est ce qu’ils ont fait. » Pendant les six mois de 1958 qu’il a passés à la Base des Forces canadiennes Cornwallis, en Nouvelle-Écosse, Ross s’est familiarisé intimement avec sa ménagère : la trousse de couture contenant tout ce qu’il lui fallait pour entretenir impeccablement son uniforme.

« Nous devions coudre nos noms sur tout ce qu’on nous distribuait, dit Ross, qui habite près de Charlottetown. Ce n’était pas rien. Ça prenait beaucoup de temps, parce que nous avions tant de vêtements : des uniformes d’été, des uniformes d’hiver, des shorts, des sous-vêtements et tout. Des chapeaux. »

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Un sergent coud ses propres galons sur son uniforme dans ce dessin du sergent Ralph Stein illustrant un article explicatif paru dans YANK, The Army Weekly, en 1943.
Army Weekly

Cette ménagère bleu marine, ses nom et matricule brodés en rouge sur le rabat, se trouve maintenant au Veterans Memorial Military Museum, à Kensington, à 50 kilomètres à l’ouest de Charlottetown. En quelques minutes, le président du musée, Dean Cole, trouve aussi des ménagères qui ont été distribuées à des soldats de la Grande Guerre ou de la Deuxième Guerre mondiale.

Comme les recrues tout au long de l’histoire, Ross a vite appris qu’il était chargé de maintenir son uniforme en bon état. Les anciens soldats avaient un sac de cuir contenant les outils et fournitures nécessaires. La trousse de couture de poche surnommée « la ménagère » (« Housewife » en anglais) a fait son apparition au milieu des années 1700. À une époque où les femmes se pâmaient d’admiration devant les uniformes rutilants, les mères, les conjointes et les petites amies offraient souvent à leurs héros des trousses de couture où elles mettaient en valeur leurs propres compétences en travaux d’aiguille. Elles avaient des poches pratiques où les soldats rangeaient des souvenirs personnels. Aux États-Unis, pendant la guerre civile, qui précédait l’invention des plaques d’identité militaires, ces souvenirs étaient souvent le seul moyen d’identifier les victimes.

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Un soldat de l’Union répare un uniforme dans ce stéréogramme de la vie quotidienne dans un campement pendant la Guerre civile américaine.
Library of Congress 1s02987

« La chaussette à l’endroit, mettre un “œuf”
(une grenade ferait tout aussi bien l’affaire)
en dessous du trou. »
Instructions pour repriser
une chaussette dans l’article
« Needle Pointers »
(« Brodeurs », NDT),
Yank, The Army Weekly, février 1943.

Les trousses distribuées aux Canadiens au cours des guerres mondiales contenaient divers boutons et insignes, un dé, du fil pour raccommoder les vêtements déchirés et pour coudre les boutons et les insignes, du fil plus gros pour repriser les chaussettes et les gants, et de la cire d’abeille pour imperméabiliser les fils et les pièces de tissu. Des groupes de femmes et les proches des soldats continuaient de confectionner des trousses de couture pour le front ou pour les colis de la Croix-Rouge.

Une de ces trousses a procuré un réconfort familier au lieutenant de l’Aviation royale canadienne George Sweanor de Port Hope, en Ontario. Jeune marié lorsqu’il s’enrôla, son avion fut abattu en 1943 alors qu’il servait dans le Bomber Command. Il fut ensuite envoyé dans un camp de prisonniers de guerre. « Mon anniversaire, en novembre, ne fut que plus mémorable lorsqu’arriva le colis de Joan […]. Je chérissais la trousse de couture parce qu’elle l’avait faite du même tissu que celui qu’elle avait utilisé pour faire sa robe de chambre », a-t-il écrit dans ses mémoires, It’s all Pensionable Time : 25 Years in the Royal Canadian Air Force. (« Tout ce temps ouvre droit à pension : 25 ans dans l’Aviation royale du Canada », NDT).

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La ménagère utilisée par un lieutenant d’infanterie pendant la Première Guerre mondiale est exposée au Musée canadien de la guerre.
Adam Day

Le soldat australien Henry John Harris raconte avoir utilisé sa trousse de façon plutôt créative, dans ses mémoires sur la Première Guerre mondiale publiées sur le site Web www.ww1.canada.com : « Comme il faisait tellement froid et qu’il y avait des sacs de sable dans la casemate, j’ai décidé d’en coudre plusieurs ensemble pour m’en faire une couverture, et croyez-moi, ces sacs nous ont tenus au chaud, à mon camarade et à moi pendant les quatre nuits qu’on a passées dans la casemate. »

Dans les années 1990, une de ces trousses a été très utile au sergent Ryan Davidson de la Direction d’histoire et patrimoine du ministère de la Défense nationale : « J’ai dû coudre mes propres insignes quand j’ai été promu sur le terrain. »

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Une tache de rouille rappelle l’aiguille autrefois contenue dans cette trousse de couture, utilisée en mer pendant la Guerre froide par Jim Ross, vétéran de la Marine.
Sharon Adams

Comme beaucoup d’autres anciens combattants, sans doute, Ross admet qu’il n’est plus très habile avec du fil et une aiguille.
Il a un petit rire lorsqu’il dit « J’ai une vraie ménagère maintenant » : Marion, son épouse depuis 52 ans.

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