On y cachait des outils d’évasion et elle avait été conçue pour
se transformer en chaussure ordinaire.
Lorsqu’on demande à Erin Napier, conservatrice du Canadian Warplane Heritage Museum situé à Hamilton, en Ontario, quel est l’article de sa collection qu’elle préfère, elle nous montre une paire de bottes en cuir qui ont bien servi, et qui appartenaient à James Allward, mécanicien navigant de Lancaster pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ces bottes à tige haute sont idéales pour leur utilisation principale : tenir l’aviateur au chaud pendant qu’il menait à bien sa mission dans une Europe déchirée par la guerre. Mais elles ont une double personnalité.
« C’est un objet de tous les jours qui peut servir d’article d’évasion, nous explique-t-elle. Si un aviateur sautait en parachute ou survivait à un écrasement, il pouvait se servir d’un couteau caché dans la doublure en laine épaisse et couper la tige de cuir.
Il ne lui restait qu’une paire de souliers ordinaires » et non pas des chaussures qui le feraient remarquer. Il pouvait aussi se servir des parties supérieures pour faire un gilet. Les modèles ultérieurs avaient des talons creux où l’on cachait des objets, leurs lacets servaient de scie de Gigli, et leur bout magnétique, de boussole.
La botte est une invention du major Christopher Clayton Hutton (surnommé Clutty). Le ministère de la Guerre britannique l’employait en tant que « théoricien des subterfuges » dans la section 9 de la direction du renseignement militaire (MI9). MI9 créait des articles pouvant servir aux aviateurs abattus et aux prisonniers de guerre à s’évader et à éviter d’être capturés en territoire ennemi. À la fin de la guerre, les aviateurs britanniques avaient une trousse d’évasion de la taille d’un paquet de cigarettes, qu’avait conçue Hutton, et qui contenait de la nourriture, de l’argent, des lames de rasoir, des tablettes de purification d’eau et une gourde.
Dans les colis de bonnes œuvres fictives livrés aux prisonniers de guerre, il y avait des cadeaux à la Hutton : carte imprimée sur de la soie et déguisée en mouchoir ou cachée dans une pièce de jeu d’échecs, un plateau de jeu ou un disque de phonographe, porte-cigarette télescope, boussole miniature cachée dans un stylo, un crayon ou un bouton, uniforme de rechange aisément transforma-ble en habit civil et où des cartes étaient imprimées à l’encre invisi-ble. Toutes les duperies, exceptée une, ont fini par être découvertes, l’exception étant un plateau de jeu de Monopoly marqué spécialement et où était cachée une trousse d’évasion comprenant des outils, des cartes locales et de l’argent.
On estime qu’environ la moitié des 30 000 soldats britanniques ou alliés qui ont réussi à s’enfuir des territoires ennemis avaient profité d’un matériel d’évasion de MI9.
« En 1943, les responsables des armées de l’air alliées croyaient que si un aviateur sautait en parachute en territoire occupé, il avait une chance sur deux de rentrer chez lui », écrit l’historien militaire et major-général américain David Zabecki. Il y a eu 200 000 tentatives d’évasion, et bien que la plupart aient échoué, d’importantes ressources ennemies étaient utilisées pour donner la chasse aux évadés, le moral des gens en Europe occupée remontait quand ils aidaient les évadés et les aviateurs reprenaient confiance lors du retour fort célébré de leurs camarades.
Éviter d’être découvert était aussi important pour les espions qui avaient leurs propres concepteurs, dont Charles Fraser Smith, qui inventait des « gadgets Q » pour le Special Operations Executive et qui est considéré par beaucoup comme étant à l’origine de Q, intendant dans les films de James Bond. Les trucs malins de Smith comprennent le briquet cachant un appareil photo miniature, le blaireau de rasage contenant du film et la pipe doublée d’amiante servant au transport de documents secrets.
Il est renommé aussi pour avoir pris part à une opération où un cadavre portant de faux papiers a été largué au large de l’Espagne pour fourvoyer les nazis sur l’inva-sion de l’Italie. Le stratagème a été immortalisé dans le livre et le film The Man Who Never Was et la série récente de la BBC « Fleming : The Man Who Would Be Bond ».
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