Le fusil Ross

Ross
UN BEAU SPÉCIMEN, un fusil Ross de troisième série.
MCG/19750021-015

Les fantassins avaient horreur de cette arme
de la Première Guerre mondiale fabriquée
au Canada, tandis que les tireurs
d’élite l’adoraient.

À la fin de la guerre d’Afrique du Sud, le Canada n’a pas réussi à persuader la Grande-Bretagne qui était alors à court d’armes de lui fournir des fusils Lee-Enfield, ni même une licence pour en fabriquer. Comment ce pays tout neuf allait-il pouvoir armer ses soldats, ses policiers et ses mili-ciens? L’industriel et passionné d’armes sir Charles Ross s’est alors présenté, et il a proposé de bâtir une fabrique à Québec pour produire un fusil de sa conception. Le gouvernement a commandé 12 000 fusils qui devaient être livrés en 1903.

La conception à tir droit et verrou du fusil promettait un tir plus rapide que celui du Lee-Enfield, puisqu’il n’était pas nécessaire de faire un quart de tour à la main. Sa précision lui a valu l’appui indéfectible de Sam Hughes, tireur de précision pas-sionné et ministre de la Milice et de la Défense entre 1911 et 1916. Les essais ont révélé des problèmes, comme le coincement des verrous au bout d’un certain nombre de tirs, mais Ross a promis que tout serait corrigé à la fabrication. C’était la première d’une longue série de modifications apportées au concept de départ.

Les premiers soldats canadiens et terre-neuviens étaient armés des fusils Ross quand ils sont partis en guerre. Les tireurs d’élite adoraient leur précision. Toutefois, ils étaient usinés trop précisément pour la variation des munitions produites en masse par les Britanniques, et les fantassins n’arrivaient pas à en assurer la propreté dans la crasse des tranchées.

Ross 7
Le tireur d’élite Francis Pegahmagabow
John Boyd/BAC/PA-061466;

Plusieurs fusils se sont enrayés à la bataille de Neuve Chapelle, en mars 1915. Le laiton mou des cartouches britanniques se dilatait et elles se coinçaient dans la chambre; en outre, la boue enrayait le mécanisme. À Ypres, au mois d’avril, certains soldats se servaient d’une botte ou d’une pelle pour faire jouer le mécanisme. Un officier a écrit : « Ce n’est ni plus ni moins qu’un meurtre que d’envoyer un soldat au combat avec une telle arme. »

Ross 6
Des soldats échangeant leur fusil Ross au camp Barriefield de Kingston, en Ontario, en 1915.
Archives de la ville de Vaughan

Certains des soldats jetaient leur fusil Ross, surnommé « Canadian club » (gourdin canadien, NDT) pour ramasser un Lee-Enfields tombé des mains d’un allié, malgré la consigne de ne pas le faire.

Quand un problème était surmonté, d’autres se posaient. Les premiers modèles ont été munis d’une chambre plus grande où l’on pouvait mettre des munitions de plus gros calibre, puis un problème de fabrication a surgi : les pièces des nouveaux modèles étaient trop serrées à l’usine, ce qui déformait la chambre. Parmi les modifications qui ont suivi, il y a eu le durcissement du métal de la tête du verrou et l’installation d’un boulon d’arrêt plus gros.

Malgré le fait que le fusil qui se coinçait ébranlait la confiance des fantassins, les tireurs d’élite l’adoraient. Il était de très grande précision entre les mains des tireurs d’élite Henry Louis Norwest, Métis de Fort Saskatchewan, en Alberta, et Francis Pegahmagabow, Otchipwe de l’Ontario. La Médaille militaire a été décernée à Pegahmagabow pour ses exploits aux batailles d’Ypres, de Festubert et de Givenchy. Il a mérité une barre à sa médaille à Passendale et une autre à la bataille de la Scarpe. C’était un éclaireur superbe et un tireur de grande précision, et on lui attribue la mort de 378 ennemis et la capture de 300 autres; il est censé détenir le record de tireur de la guerre, des deux côtés de la ligne de démarcation. La Médaille militaire a été décernée à Norwest à la crête de Vimy, où ses tirs de précision ont sauvé un grand nombre de vies, et il a obtenu une barre en 1918. Il aurait tué quelque 115 soldats ennemis.

En juin 1916, le maréchal britannique Douglas Haig a ordonné aux troupes canadiennes de remplacer leurs fusils Ross par des Lee-Enfield. Hughes l’impolitique
a été remplacé à son poste de mi-
nistre en 1916, et le gouvernement fédéral a exproprié l’usine de Ross l’année suivante. Diverses versions du fusil Ross ont continué de servir à l’entrainement et pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ross 3
L’usine à fusils Ross à Québec.
MCG/20030011-133

420 000
Nombre de fusils Ross produits

20 Nombre de tirs par minute

3,9 kg Poids

5 Nombre de versions conçues entre 1903 et 1914


Ross 5
Sir Sam Hughes s’est fait le champion du fusil Ross fabriqué au Canada, et il s’est fait critiquer vertement quand il l’a défendu malgré le nombre croissant de preuves de ses lacunes en situation de combat.

 

Ross 4
Des soldats du 127e Bataillon (12th York Rangers) en 1916.
Archives de la ville de Vaughan; BAC/74187;

25,4 cm
Longueur de la baïonnette

28 $
Prix payé pour chaque fusil par les pourvoyeurs du Newfoundland Regiment


Ross 2
Un soldat et son fusil au repos.
BAC/PA-107378

25,4 cm
Longueur de la baïonnette

Search
Connect
Listen to the Podcast

Comments are closed.