La Charte pourrait laisser les anciens combattants handicapés dans la pauvreté

Certains anciens combattants canadiens gravement handicapés risquent de vieillir dans la pauvreté si le Parlement ne révise pas rapidement et efficacement la nouvelle Charte des anciens combattants, dit l’ombudsman des vétérans, Guy Parent.

« Le besoin est urgent », disait-il le 1er octobre, lors d’une conférence de presse où il a rendu public son rapport sur les améliorations qu’il faut apporter à la Charte, dont le nom officiel est Loi modifiant la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes. Sept ans après la mise en vigueur de la Charte, et plus de deux ans après qu’elle a été modifiée dans le but de renforcer les avantages financiers, « des lacunes importantes n’ont toujours pas été réglées » a-t-il dit.

Trois domaines principaux sont cernés dans le rapport : instabilité financière et niveau de vie inférieur; réadaptation et assistance professionnelles restreintes; appui à la famille insuffisant.

Les recommandations de l’ombudsman « serviront de point de départ important lors de l’examen parlementaire [de la Charte] à venir », a répondu le ministre des Anciens Combattants, Julian Fantino. Il a aussi dit qu’on étudiera surtout les services destinés aux blessés les plus graves et à leur famille.

Toutefois, l’ombudsman et la Légion royale canadienne insistent sur le fait qu’il faut agir tout de suite plutôt que de palabrer. « Ce n’est pas un long processus d’examen dont on a besoin maintenant », dit le président national, Gordon Moore. Le rapport de Parent et les recommandations que la Légion a faites au cours des années offrent au gouvernement un plan relatif aux modifications qu’il est possible de mettre en branle rapidement, disent-ils.

Les recommandations de l’ombudsman sont fondées sur une analyse rigoureuse qui a servi à révéler les faiblesses de la Charte, et elles indiquent la manière de les corriger. Le cout des remèdes, étalé pendant un certain nombre d’années, est évalué à environ 70 millions de dollars pour l’augmentation des allocations pour invalidité; celui de l’augmentation de l’accès à l’allocation pour déficience permanente ou au supplément pour déficience permanente, à entre 8 et 10 millions de dollars par année; et celui des modifications à l’allocation pour perte de revenus, à 30 millions de dollars durant la vie de ce programme-là. Cependant, ces couts semblent dérisoires par rapport à ce que couterait l’inertie, dit Parent. « Soit nous réglons ces questions maintenant, soit nous composons avec les couts sur le plan humain plus tard, qui totaliseront une somme beaucoup plus importante », dit Parent.

Le sujet de préoccupation le plus urgent est l’appui financier aux anciens combattants handicapés de façon permanente. L’allocation pour perte de revenus, qui devrait servir à empêcher que le revenu des handicapés permanents ou celui des personnes qui suivent le programme de réadaptation professionnelle ne tombe en dessous de 75 p. 100 du salaire brut qu’elles avaient avant la libération, n’est plus versée après l’âge de 65 ans. Il s’agit d’une difficulté particulière pour les anciens combattants devenus handicapés à un jeune âge ou alors qu’ils n’avaient que peu d’années de service donnant droit à la pension. Leurs avantages sont liés à un petit salaire jusqu’à l’âge de la retraite, et ils ne peuvent pas cotiser au Régime de pensions du Canada ni épargner pour la retraite.

Anciens Combattants Canada (ACC) a évalué 1 428 anciens combattants complètement handicapés et en permanence; l’ombudsman a conclu que la suppression de l’allocation pour perte de revenus en affectera gravement plus de 400 qui n’obtiennent aucune allocation et qui n’ont pas de pension des Forces canadiennes. Certains, est-il dit dans le rapport, risquent de vivre leur retraite sous le seuil de la pauvreté. Ce chiffre augmentera au fur et à mesure que d’autres anciens combattants atteindront l’âge de la retraite, dit Parent.

Parmi les recommandations visant à assurer un meilleur soutien financier, il y a l’augmentation de l’allocation pour perte de revenus, qui passerait de 75 p. 100 à 90 p. 100 du salaire d’avant la libération, afin de stabiliser le revenu après impôts et de fournir un soutien financier supplémentaire après l’âge de 65 ans afin que les anciens combattants handicapés en permanence reçoivent au moins 70 p. 100 du salaire d’avant la libération indexé. Les réservistes à temps partiel recevraient le même avantage que les réguliers.

Bien que l’admissibilité ait été accrue en 2011, plus de la moitié des clients handicapés en permanence d’ACC ne reçoivent pas d’allocation pour déficience permanente, de supplément à l’allocation pour déficience permanente ni de sommes mensuelles imposables qui compenseraient la perte des occasions d’emploi ou l’incapacité de travailler. Le rapport recommande de verser ces allocations à tous les anciens combattants qu’une telle évaluation indiquerait.

L’ombudsman recommande aussi d’augmenter le maximum des indemnités d’invalidité (qui s’élèvent actuellement à 298 588 $) afin qu’elles soient équivalentes au maximum qu’accordent les tribunaux canadiens, c’est-à-dire environ 342 000 $ ces jours-ci. Il recommande aussi d’effectuer des recherches pour découvrir le maximum indiqué de compensation aux membres actuels ou anciens des Forces canadiennes pour les souffrances et douleurs.

Les recommandations principales concernant l’amélioration des services de réadaptation ou d’assistance professionnelles demandent une plus grande souplesse. L’insistance sur l’amélioration des compétences restreint les possibilités de carrière. Par exemple, on ne devrait pas refuser à un ancien combattant qui a été adjoint médical l’occasion d’acquérir une formation universitaire en soins infirmiers « rien que parce que sa formation et son expérience lui donnent les compétences qu’il faut pour devenir technicien médical d’urgence plus vite et à moindre cout ». Ceux qui ont la volonté et les aptitudes nécessaires pour étudier en vue d’une carrière qu’ils sont capables de mener devraient être appuyés dans leur cheminement.

L’ombudsman recommande le remboursement de tous les frais relatifs à un programme d’éducation postsecondaire.

Le rapport critique la manière d’agir d’ACC par rapport à la surveillance de ses programmes de réadaptation professionnelle, laquelle pourrait être assurée en observant si les anciens combattants trouvent un emploi et s’ils le gardent. Ces recherches sont essentielles pour savoir si les programmes sont efficaces quand il s’agit d’aider les militaires à reprendre la vie civile et de guider les modifications.

Bien qu’ACC puisse mieux répondre aux familles grâce à la Charte, il y a encore des besoins qui ne sont pas comblés, particulièrement pour les familles de vétérans gravement blessés. Des pressions financières ou émotionnelles se font sentir quand les conjoints ne peuvent pas se permettre de quitter leur emploi pour s’occuper d’un ancien combattant, ni d’engager quelqu’un pour ce faire. Le rapport recommande d’indemniser les conjoints ou les parents qui se font aidants principaux d’un ancien combattant handicapé.

Les autres recommandations comprennent la thérapie familiale, l’accès aux programmes et aux services d’un Centre de ressources pour les familles des militaires après que le membre des FC a été libéré pour raison médicale, l’harmonisation de l’assistance financière des FC et d’ACC aux familles, l’élimination de la limite de temps accordée aux conjoints survivants pour faire une demande de services de réadaptation ou d’assistance professionnelles, et l’accès, pour la famille des anciens combattants handicapés, aux mêmes services dentaires que ceux qui sont fournis par le Régime de soins de santé de la fonction publique.

Le rapport concerne aussi le débat à savoir si les anciens combattants seraient mieux traités par la Charte ou par la Loi sur les pensions. Parent dit que le rapport « prépare le terrain en vue d’un débat éclairé » où l’on se pencherait sur les avantages financiers qui ont pour objet d’assurer le revenu et les avantages non financiers, comme l’indemnité d’invalidité de la Charte appelée communément paiement forfaitaire, qui compensent la souffrance et la douleur. « En règle générale, dit le rapport, la Charte verse davantage de fonds à l’ancien combattant que la Loi sur les pensions, mais après l’imposition, il lui en reste moins dans les poches. » L’allocation pour déficience permanente et le supplément à l’allocation pour déficience permanente de la Charte sont imposables, tandis que l’allocation pour soins de la Loi sur les pensions ne l’est pas. Les avantages non financiers sont meilleurs en vertu de la Loi sur les pensions.

Finalement, Parent dit que le gouvernement fédéral pourrait faire le nécessaire pour que la Charte soit fidèle à l’objectif visé initialement, c’est-à-dire d’être un document vivant, en rendant la révision obligatoire tous les deux ans pour qu’elle continue de mieux répondre aux besoins non comblés ou changeants des anciens combattants et de leur famille.

 

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