Visite aux champs de bataille grâce au Centre Milton Gregg

Sur une colline, des étudiants diplômés surveillent un ravin semblable à ceux qu’on peut voir en Europe de l’Est ou quelque autre endroit du monde où le Canada risque d’être appelé à servir. Cependant, nous ne sommes pas en Europe, mais dans une clairière de la vaste forêt qui entoure la Base des Forces canadiennes Gagetown, dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick.

Dans l’autocar qui les amenait ici, les étudiants ont aperçu quelques chars d’assaut et véhicules d’assaut léger (VAL) servant à des exercices de jour où les chefs de peloton livreront un assaut à la hâte : un assaut improvisé après avoir soudainement vu un ennemi.
« On aimerait croire qu’il faut une heure entre apercevoir une position ennemie, et planifier et lancer l’assaut », nous explique le major Tim Halfkenny, commandant adjoint de l’École de la tactique de la base. Il augmente le volume de la radio où des ordres encodés sont donnés aux chars et aux VAL.
Pour les étudiants, c’est un guet froid et tranquille. De là où l’on se trouve, on ne peut voir que de rares mouvements à l’horizon alors que le corps blindé profite des ravins pour cacher sa propre position à l’ennemi. « Il ne faut pas se trouver dans la mire de l’ennemi plus longtemps qu’il ne faut pour attaquer », dit le major.
L’heure H est fixée à 11 h 35. Les chars et les LAV se révèlent quelques minutes avant, et l’assaut est lancé. Les chars tirent en avançant les premiers, puis ils sont dépassés par les VAL, desquels descendent les fantassins. La position est contrôlée à 11 h 40. « Pas mal », dit Halfkenny.
Observer un exercice et passer l’après-midi sur place, même monter dans les véhicules pour parler aux soldats qui les utilisent, fait partie du processus d’apprentissage au Milton F. Gregg Centre for the Study of War and Society de l’Université du Nouveau-Brunswick, à Fredericton. Le centre se consacre à l’étude des causes, du cours et des conséquences des conflits armés.
Dirigé par l’historien et collaborateur de la Revue Légion Marc Milner, il n’est physiquement qu’un couloir de bureaux où le personnel dirige des programmes d’études de premier cycle et de cycles supérieurs, et où il prépare des publications, des conférences, des allocutions et des visites aux champs de bataille au Canada et en Europe.
« Dominic Graham (surnommé Toby), qui a servi dans l’artillerie britannique à la Seconde Guerre mondiale et y a été brièvement prisonnier, a été l’un de mes professeurs. Il croyait fermement qu’il faut aller aux champs de bataille en personne, dit Milner. Nous voulons donner l’occasion aux étudiants de toucher le matériel et de voir comment fonctionnent les choses. Lorsqu’on parlait du matériel de manière abstraite, Toby Graham nous jetait un mauvais coup d’œil et nous disait : “Tu ne sais pas comment ça marche.”
Les origines du Centre Gregg remontent au Forum sur la sécurité et la défense, quand le ministère de la Défense nationale a institué en 1981 des centres de recherches à certaines universités canadiennes.
À l’U. du N.-B., le centre s’est spécialisé en conflits de faible intensité et en terrorisme.
David Charters, agrégé supérieur du Centre Gregg, s’est joint à l’U. du N.-B. dans les années 1980 en tant qu’expert en ce qu’il appelait « la faible intensité de l’échelle des conflits ». La thèse du doctorat qu’il avait obtenu en Angleterre portait sur l’armée britannique et l’insurrection des Juifs en Palestine de 1945 à 1947. Feu Maurice Tugwell et lui ont fondé le Centre d’études sur les conflits, à l’Université, au début des années 1980, se spécialisant en terrorisme et petits conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
« Personne d’autre au Canada n’étudiait ces sujets-là. Presque tout était de faible intensité depuis 1945. La demande pour un tel savoir existait dans les communautés du renseignement, de la police et de l’armée », dit Charters, qui a été le premier directeur du Centre.
Les instructions données aux premiers membres du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) font partie de ses mandats les plus remarquables. Le centre a aussi mené une importante étude pour le gouvernement des États-Unis, à la suite d’une tentative manquée de délivrance d’Américains tenus en otage dans leur ambassade à Téhéran, en Iran, en 1979. « Il y avait des leçons à tirer dans le cours d’opérations spéciales à propos de la formation, du renseignement, de la vitesse, de la mobilité et de la surprise », dit Charters.
Ses collègues et lui ont donné des conférences et organisé des cours au Centre pour le SCRS, le Collège canadien de police à Ottawa, et plusieurs écoles militaires. Pendant de nombreuses années, il était rédacteur en chef du Journal For Conflict Studies, journal sur les conflits contemporains à renommée internationale.
« Le Centre a reçu un coup en 1989, lorsque le mur [de Berlin] est tombé. La guerre froide était finie. Personne n’avait besoin de se renseigner sur le terrorisme. Le programme a dépéri pendant les années 1990. Il s’est activé un peu après le 11 septembre 2011, mais ce n’était plus comme avant », dit Milner.
Ce dernier a prononcé la conférence Eaton inaugurale, en novembre, à North York, en Ontario. Cela deviendra un évènement annuel en vue d’amasser des fonds et de faire connaitre le Centre.
Depuis son institution, ce dernier devait pouvoir s’autofinancer, mais la collecte de fonds est devenue fort problématique. La dernière subvention du ministère de la Défense nationale (MDN) a été épuisée en mars 2012. « Cela nous a obligés à faire appel à notre esprit d’entreprise », dit Milner.
Quand le soutien du MDN a commencé à devenir moins important, l’Université a réuni ses programmes militaires pour créer, en 2006, le Centre Gregg.
Gregg, un Néo-Brunswickois, fut officier du Royal Canadien Regiment pendant la Première Guerre mondiale. La Croix de Victoria lui fut décernée à la suite de ses actions d’éclat pendant la bataille du canal du Nord, près de Cambrai, en France, quand il franchit une brèche dans les barbelés de l’ennemi, à la tête de ses hommes, pour aller attaquer une tranchée. Lorsque les munitions vinrent à manquer, il retourna s’approvisionner à son char d’assaut en rampant, et ses hommes et lui réussirent à prendre la tranchée, ce qui était nécessaire pour continuer d’avancer.
Il servit ensuite en tant que sergent d’armes à la Chambre des communes, à Ottawa. Il reprit du galon pendant la Seconde Guerre mondiale, à la conclusion de laquelle il avait le grade de brigadier, puis il occupa le poste de président de l’Université du Nouveau-Brunswick. Il fut élu député libéral au Parlement par la suite et servit au Cabinet sous Mackenzie King et sous Louis Saint-Laurent avant de perdre aux élections de 1957.
En rapport avec son cadre néo-brunswickois, le New Brunswick Military History Project, important projet du Centre, a commencé par la publication de petits livres souples en couleurs sur divers aspects de l’histoire militaire de la province (« New Brunswick’s Military History Gets A New Look » [Nouveau coup d’œil sur l’histoire militaire du Nouveau-Brunswick, non traduit], mai/juin 2005).
« L’histoire militaire du Nouveau-Brunswick n’a jamais occupé une place prépondérante à l’échelon national. On voulait changer cela grâce à une série de livres qui feraient revivre l’histoire », dit Brent Wilson qui est à la tête du projet.
Dans les premiers livres de la série, on s’est penché sur les fortifications militaires autour de Saint John et sur le siège du fort Beauséjour. « Bien entendu, au bicentenaire de la guerre de 1812, on envisage des livres qui la concer-nent. Il y en a un sur le 104e Régiment de fantassins (Nouveau-Brunswick) qui a fait la fameuse marche hivernale entre le Nouveau-Brunswick et Kingston, en Ontario », dit-il.
Il y a des avantages à se trouver près de la plus grande base militaire de l’est du Canada. Lee Windsor, directeur adjoint du Centre, a écrit le livre intitulé Kandahar Tour, avec Wilson et Charters. Ils y expliquent le rôle du Canada en Afghanistan comme le voyaient les soldats du second Bataillon du Royal Canadian Regiment basé à Gagetown, ainsi que les unités militaires de soutien, les diplomates, les policiers et les civils qui ont passé six mois au Kandahar en 2007.
« L’objet principal du livre est de raconter l’histoire au public, dit Windsor, mais on voulait aussi le faire pour les familles des gens qui y sont allés. »
Ce livre était une occasion de documenter l’histoire telle qu’elle se produisait, et comme le disent les auteurs dans le préambule, étudier ce qui se passe aujourd’hui pourrait faire la lumière sur ce qui s’est passé quand les Canadiens sont allés se battre en Europe il y a presque un siècle.

Dans l’autocar qui les amenait ici, les étudiants ont aperçu quelques chars d’assaut et véhicules d’assaut léger (VAL) servant à des exercices de jour où les chefs de peloton livreront un assaut à la hâte : un assaut improvisé après avoir soudainement vu un ennemi.

« On aimerait croire qu’il faut une heure entre apercevoir une position ennemie, et planifier et lancer l’assaut », nous explique le major Tim Halfkenny, commandant adjoint de l’École de la tactique de la base. Il augmente le volume de la radio où des ordres encodés sont donnés aux chars et aux VAL.

Pour les étudiants, c’est un guet froid et tranquille. De là où l’on se trouve, on ne peut voir que de rares mouvements à l’horizon alors que le corps blindé profite des ravins pour cacher sa propre position à l’ennemi. « Il ne faut pas se trouver dans la mire de l’ennemi plus longtemps qu’il ne faut pour attaquer », dit le major.

L’heure H est fixée à 11 h 35. Les chars et les LAV se révèlent quelques minutes avant, et l’assaut est lancé. Les chars tirent en avançant les premiers, puis ils sont dépassés par les VAL, desquels descendent les fantassins. La position est contrôlée à 11 h 40. « Pas mal », dit Halfkenny.

Observer un exercice et passer l’après-midi sur place, même monter dans les véhicules pour parler aux soldats qui les utilisent, fait partie du processus d’apprentissage au Milton F. Gregg Centre for the Study of War and Society de l’Université du Nouveau-Brunswick, à Fredericton. Le centre se consacre à l’étude des causes, du cours et des conséquences des conflits armés.

Dirigé par l’historien et collaborateur de la Revue Légion Marc Milner, il n’est physiquement qu’un couloir de bureaux où le personnel dirige des programmes d’études de premier cycle et de cycles supérieurs, et où il prépare des publications, des conférences, des allocutions et des visites aux champs de bataille au Canada et en Europe.

« Dominic Graham (surnommé Toby), qui a servi dans l’artillerie britannique à la Seconde Guerre mondiale et y a été brièvement prisonnier, a été l’un de mes professeurs. Il croyait fermement qu’il faut aller aux champs de bataille en personne, dit Milner. Nous voulons donner l’occasion aux étudiants de toucher le matériel et de voir comment fonctionnent les choses. Lorsqu’on parlait du matériel de manière abstraite, Toby Graham nous jetait un mauvais coup d’œil et nous disait : “Tu ne sais pas comment ça marche.”

Les origines du Centre Gregg remontent au Forum sur la sécurité et la défense, quand le ministère de la Défense nationale a institué en 1981 des centres de recherches à certaines universités canadiennes.

À l’U. du N.-B., le centre s’est spécialisé en conflits de faible intensité et en terrorisme.

David Charters, agrégé supérieur du Centre Gregg, s’est joint à l’U. du N.-B. dans les années 1980 en tant qu’expert en ce qu’il appelait « la faible intensité de l’échelle des conflits ». La thèse du doctorat qu’il avait obtenu en Angleterre portait sur l’armée britannique et l’insurrection des Juifs en Palestine de 1945 à 1947. Feu Maurice Tugwell et lui ont fondé le Centre d’études sur les conflits, à l’Université, au début des années 1980, se spécialisant en terrorisme et petits conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

« Personne d’autre au Canada n’étudiait ces sujets-là. Presque tout était de faible intensité depuis 1945. La demande pour un tel savoir existait dans les communautés du renseignement, de la police et de l’armée », dit Charters, qui a été le premier directeur du Centre.

Les instructions données aux premiers membres du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) font partie de ses mandats les plus remarquables. Le centre a aussi mené une importante étude pour le gouvernement des États-Unis, à la suite d’une tentative manquée de délivrance d’Américains tenus en otage dans leur ambassade à Téhéran, en Iran, en 1979. « Il y avait des leçons à tirer dans le cours d’opérations spéciales à propos de la formation, du renseignement, de la vitesse, de la mobilité et de la surprise », dit Charters.

Ses collègues et lui ont donné des conférences et organisé des cours au Centre pour le SCRS, le Collège canadien de police à Ottawa, et plusieurs écoles militaires. Pendant de nombreuses années, il était rédacteur en chef du Journal For Conflict Studies, journal sur les conflits contemporains à renommée internationale.

« Le Centre a reçu un coup en 1989, lorsque le mur [de Berlin] est tombé. La guerre froide était finie. Personne n’avait besoin de se renseigner sur le terrorisme. Le programme a dépéri pendant les années 1990. Il s’est activé un peu après le 11 septembre 2011, mais ce n’était plus comme avant », dit Milner.

Ce dernier a prononcé la conférence Eaton inaugurale, en novembre, à North York, en Ontario. Cela deviendra un évènement annuel en vue d’amasser des fonds et de faire connaitre le Centre.

Depuis son institution, ce dernier devait pouvoir s’autofinancer, mais la collecte de fonds est devenue fort problématique. La dernière subvention du ministère de la Défense nationale (MDN) a été épuisée en mars 2012. « Cela nous a obligés à faire appel à notre esprit d’entreprise », dit Milner.

Quand le soutien du MDN a commencé à devenir moins important, l’Université a réuni ses programmes militaires pour créer, en 2006, le Centre Gregg.

Gregg, un Néo-Brunswickois, fut officier du Royal Canadien Regiment pendant la Première Guerre mondiale. La Croix de Victoria lui fut décernée à la suite de ses actions d’éclat pendant la bataille du canal du Nord, près de Cambrai, en France, quand il franchit une brèche dans les barbelés de l’ennemi, à la tête de ses hommes, pour aller attaquer une tranchée. Lorsque les munitions vinrent à manquer, il retourna s’approvisionner à son char d’assaut en rampant, et ses hommes et lui réussirent à prendre la tranchée, ce qui était nécessaire pour continuer d’avancer.

Il servit ensuite en tant que sergent d’armes à la Chambre des communes, à Ottawa. Il reprit du galon pendant la Seconde Guerre mondiale, à la conclusion de laquelle il avait le grade de brigadier, puis il occupa le poste de président de l’Université du Nouveau-Brunswick. Il fut élu député libéral au Parlement par la suite et servit au Cabinet sous Mackenzie King et sous Louis Saint-Laurent avant de perdre aux élections de 1957.

En rapport avec son cadre néo-brunswickois, le New Brunswick Military History Project, important projet du Centre, a commencé par la publication de petits livres souples en couleurs sur divers aspects de l’histoire militaire de la province (« New Brunswick’s Military History Gets A New Look » [Nouveau coup d’œil sur l’histoire militaire du Nouveau-Brunswick, non traduit], mai/juin 2005).

« L’histoire militaire du Nouveau-Brunswick n’a jamais occupé une place prépondérante à l’échelon national. On voulait changer cela grâce à une série de livres qui feraient revivre l’histoire », dit Brent Wilson qui est à la tête du projet.

Dans les premiers livres de la série, on s’est penché sur les fortifications militaires autour de Saint John et sur le siège du fort Beauséjour. « Bien entendu, au bicentenaire de la guerre de 1812, on envisage des livres qui la concer-nent. Il y en a un sur le 104e Régiment de fantassins (Nouveau-Brunswick) qui a fait la fameuse marche hivernale entre le Nouveau-Brunswick et Kingston, en Ontario », dit-il.

Il y a des avantages à se trouver près de la plus grande base militaire de l’est du Canada. Lee Windsor, directeur adjoint du Centre, a écrit le livre intitulé Kandahar Tour, avec Wilson et Charters. Ils y expliquent le rôle du Canada en Afghanistan comme le voyaient les soldats du second Bataillon du Royal Canadian Regiment basé à Gagetown, ainsi que les unités militaires de soutien, les diplomates, les policiers et les civils qui ont passé six mois au Kandahar en 2007.

« L’objet principal du livre est de raconter l’histoire au public, dit Windsor, mais on voulait aussi le faire pour les familles des gens qui y sont allés. »

Ce livre était une occasion de documenter l’histoire telle qu’elle se produisait, et comme le disent les auteurs dans le préambule, étudier ce qui se passe aujourd’hui pourrait faire la lumière sur ce qui s’est passé quand les Canadiens sont allés se battre en Europe il y a presque un siècle.

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