La connexion maltaise : Réunion de la LRACC sur une ile symbolique de la Seconde Guerre mondiale

Malte. [ILLUSTRATION : JENNIFER MORSE]

Malte.
ILLUSTRATION : JENNIFER MORSE

Malte prend soin des anciens combattants. Tout comme le fait la Ligue royale des anciens combattants du Commonwealth (LRACC), dont le mandat est de procurer un repas par jour aux milliers d’anciens combattants âgés du Commonwealth qui souffrent de la faim.

Ces iles méditerranéennes sont constantes dans l’adversité. À un point tel que c’est le seul pays qui ait jamais reçu la Croix de George, décoration civile la plus haute décernée par le Royaume-Uni. Imaginez un peu : les habitants de ces petites iles ont tenu résolument pendant deux ans alors que 30 000 bombes détruisaient leurs édifices et que les sous-mariniers ennemis entouraient leurs côtes et les regardaient mourir de la faim et de la maladie. Entre le 1er janvier et le 24 juillet 1942, il n’y a qu’une seule période de 24 heures où l’on n’y a pas largué de bombes.

Malte a survécu, heureusement, et l’on peut dire la même chose de la nature attentionnée de la LRACC qui y a tenu son congrès international au mois de mai. De nombreux participants à la réunion de cinq jours ont risqué leur vie pour venir en aide aux anciens combattants défavorisés du monde : dans les jungles ou les villes de Myanmar (Birmanie), ou bien dans les camps sordides de réfugiés au Liban’ quel que ce soit l’endroit où l’assistance de l’étranger n’est pas bien reçue.

La LRACC met en œuvre ces principes qui subsistent chez les Maltais : les idéaux que sont le service et la sollicitude.

Et il y a un troisième acteur, un membre fondateur de la LRACC, qui continue de donner généreusement et fidèlement. Cette année, au 44e Congrès national, lequel s’est tenu à Halifax, les légionnaires ont donné presque 200 000 $. Une fois encore, la contribution de la Légion royale canadienne (LRC) a été le montant le plus élevé jamais donné à la LRACC, organisme qui est né des cendres de la guerre dans la ferme croyance qu’aucun militaire, homme ou femme, ne devrait être dans le besoin.

Les pays du Commonwealth ont grandement contribué, en personnel et en matériel, aux deux guerres mondiales. Des millions d’hommes et de femmes en ont été victimes, et ceux qui ont eu la chance de survivre se sont retrouvés dans de nouvelles circonstances en rentrant chez eux. Beaucoup ont repris leur vie normale, mais il y en a qui ont continué de souffrir de leurs blessures, du délabrement de leur santé et du dénuement le plus total. Le besoin d’assistance était énorme en partie parce que quelques pays estimaient que le soin des anciens combattants du Commonwealth en allait de la responsabilité du Royaume-Uni. Malheureusement, cette manière de voir les choses en a laissé des milliers sans ressources. Mais la ligue a répondu, et elle le fait encore aujourd’hui. Cette œuvre de bienfaisance a été créée en 1921 sous le nom de Ligue des anciens des armées du Commonwealth britannique, et vers la fin des années 1950, elle a changé son nom pour Ligue des anciens combattants du Commonwealth britannique, et puis, par suite d’une sanction royale en 2003, elle est devenue la Ligue royale des anciens combattants du Commonwealth. Elle compte 56 organisations membres provenant de 48 pays où ont été identifiés 65 000 anciens combattants admissibles.

Vu le grand nombre de pays de la ligue, les délégués ne s’étaient jamais réunis à Malte auparavant. Quand on s’approche de la vieille ville de La Valette à basse altitude, elle se présente comme une Atlantide, maintenant asséchée, qui aurait émergé des eaux. Les édifices sont empilés jusqu’au bord de l’eau; pas un brin de verdure où que ce soit. À part des rues étroites tracées il y a 600 ans par les Chevaliers de Saint-Jean, la roche est sans faille.

L’importance stratégique des iles leur a donné une histoire animée. Les habitations préhistoriques remontent à l’âge de pierre et les temples sont encore d’aplomb, ayant plus de 1 000 ans de plus que Stonehenge. Selon la légende, Saint Paul y aurait fait naufrage, et il aurait été mordu par une vipère en allumant un feu. Il repoussa le serpent mortel sans conséquences néfastes, après quoi les habitants de Malte le prirent pour un dieu. Il vécut dans une caverne, prêcha et soigna les insulaires, et convertit ceux des iles de Malte et de Gozo au christianisme. Et tout cela en trois mois.

On dirait que tout le monde a voulu s’approprier Malte : les Phéniciens, les Carthaginois, les Romains, les Bysantins, les Normands, les Aragonais, les Chevaliers de Saint-Jean, les Allemands, les Italiens et les Britanniques. Les iles maltaises furent données aux Chevaliers de Saint-Jean au 16e siècle. Ils y construisirent des forts, des hôpitaux, des églises et des palais, et leur architecture impressionnante orne encore les villes aujourd’hui.

Quarante-huit-mille Turcs y lancèrent une attaque un peu plus de 30 ans après. Il n’y avait que 8 000 Maltais pour les défendre, mais ces 8 000 habitants combattirent comme des sauvages. Ils se servaient de leurs canons pour lancer des têtes de Turcs, alors que les Turcs coupaient le corps des Maltais en deux et les faisaient flotter sur des croix au bord des iles : horribles nénufars. Les renforts arrivèrent de Sicile et les Turcs furent repoussés.

Ensuite, à la Grande Guerre, Malte fut surnommée l’infirmière de la Méditerranée et servit de base à l’hospitalisation des blessés. Malte fut assiégée pendant la Seconde Guerre mon-diale, de 1940 à 1942. L’Italie fasciste et l’Allemagne nazie firent de leur mieux pour soumettre Malte par la faim, mais les alliés y envoyèrent des troupes en renfort et de la nourriture. À ce moment-là, des milliers de personnes avaient été tuées et il y avait des décombres partout. Le 15 avril 1942, le roi George VI décerna la Croix de George au peuple maltais pour son courage. Il dit ceci en leur décernant la décoration : « À l’ile forteresse de Malte, en reconnaissance de l’héroïsme et du dévouement qui resteront célèbres dans l’histoire ».

Aujourd’hui, les décombres ont été nettoyés et l’ancienne ville est propre et ordonnée. Le congrès de la LRACC a été tenu à Portomaso à côté de La Valette, où les délégués se sont rassemblés, du 5 au 10 mai, pour la première fois depuis quatre ans.

Le dimanche matin, le groupe est monté dans des minifourgonnettes pour aller à un service de l’Action de grâce à la cathédrale Saint-Paul de La Valette. Les délégués y ont déposé une couronne en l’honneur des personnes qui ont donné leur vie, et un commentaire a été fait de se souvenir de celles qui sont mortes plus récemment, en Irak et en Afghanistan.

Le premier vice-président national d’alors Gordon Moore et la présidente sortante Pat Varga. [ILLUSTRATION : JENNIFER MORSE]

Le premier vice-président national d’alors Gordon Moore et la présidente sortante Pat Varga.
ILLUSTRATION : JENNIFER MORSE

Le 31e Congrès de la LRACC a été officiellement inauguré par un discours que prononça le premier ministre de Malte, Lawrence Gonzi, qui a parlé de son pays avec fierté. « Il suffit de 40 à 60 minutes pour traverser Malte, et on traverse en même temps plus de 7 000 années d’histoire […]. Un des plus petits États nationaux […] cinquième en ce qui concerne la densité de la population. » Le premier ministre a ensuite poursuivi ainsi : « Nous avons les mêmes valeurs que celles qui inspirent vos œuvres : la charité, l’assistance et la prévenance […]. Malte a fait ses preuves pendant sa longue histoire. Nous avons été chargés de transformer de beaux mots en action », et il a aussi rappelé aux délégués que, malheureusement, il y aura toujours des anciens combattants dans le besoin : « […] la preuve en a été faite en Tunisie, puis en Égypte, et encore en Libye […]. Pensez à ce qui se passe en Syrie […] il faut ouvrir l’œil, car ce qui se passe autour de nous est une exhortation de continuer à faire de notre mieux pour sauvegarder ce dont on dispose aujourd’hui. »

Le congrès s’est mis au travail après le départ du premier ministre, élisant à l’unanimité Son Altesse Royale le prince Philip, duc d’Édimbourg, au poste de grand président. Toujours ce même matin-là, le trésorier honoraire, Michael Winarick, a renseigné les délégués sur le bilan financier de la LRACC, pour ensuite prendre le temps de remercier la LRC. « Il est juste de rappeler au congrès ce que nous devons à la LRC pour son important engagement financier et pour son appui aux pays des Antilles. Elle a fourni l’équivalent de plus de 725 000 livres sterling [1,2 million de dollars] au cours des quatre dernières années. Rien que l’année dernière, sa contribution s’est élevée à 194 000 livres [309 000 $], le chiffre le plus élevé qu’il y ait jamais eu […]. C’est comme cela que l’on prévoyait que la ligue fut dirigée, et nous vous sommes reconnaissants, à vous tous autour de cette table, de l’appui que vous nous avez prêté. »

Le but de la ligue, de fournir un repas par jour à tous les anciens combattants impécunieux, revient à 96 $ (60 £) par année par ancien combattant identifié. En revanche, la LRC, qui s’occupe des anciens combattants antillais, fournit 1 080 $ par année par ancien combattant et 540 $ par veuve de plus de 60 ans. Il est important de noter que les personnes dont s’occupe la Légion se comptent par centaines tandis que celles dont s’occupe la LRACC se comptent par milliers. Au cours des quatre dernières années, la LRACC a fourni annuellement presque 2,4 millions de dollars (1,5 million de livres) en assistance. C’est là la fonction principale de la ligue : le bienêtre des anciens combattants d’avant l’indépendance; mais il se pourrait fort bien, au fur et à mesure que leur nombre diminue, que le travail de la LRACC devienne ce qui la soutiendra. Puisque la LRACC a des réseaux en place pour faire parvenir des fonds aux anciens combattants des régions isolées, les régiments et les unités qui prennent fait et cause pour les vétérans des conflits modernes peuvent profiter de cette logistique pour retrouver et aider les leurs. C’est là l’avenir de la LRACC.

En après-midi, les délégués se sont divisés en quatre groupes pour les discussions régionales. Le premier de ces groupes comprenait les délégués d’Australie et de Nouvelle-Zélande; le second, ceux du Canada; le troisième, ceux d’Afrique du Sud; et le quatrième, ceux d’Angleterre et d’Écosse. Ils ont été encouragés à présenter leurs préoccupations et leurs idées. Les pays du groupe du Canada étaient ceux des Antilles et, comme les autres groupes, on devait y considérer l’avenir de la ligue, l’inflation, la vente des coquelicots, les tours de la LRACC et de la LRC, les relations avec la Fédération mondiale des anciens combattants, le souvenir de ceux qui servent en même temps que celui des morts, rendre le silence de deux minutes au jour du Souvenir encore plus significatif, et faire des recommandations sur le lieu des congrès à venir.

La présidente nationale, Pat Varga, a présidé le groupe du Canada dont tous les membres croyaient que la ligue devait se perpétuer et que la collecte de fonds était de plus en plus difficile à cause de la montée des couts. La LRC fournit du matériel du coquelicot gratuitement aux nations antillaises : moyen pratique pour ces pays d’encourager les dons et de promouvoir le souvenir.

Varga a aussi mentionné la visite annuelle de la LRC aux Antilles. « Nous sommes responsables envers nos membres des fonds que nous distribuons aux Antilles, alors […] nous devons être  persuadés que ces fonds sont utilisés comme il se doit et où on en a le plus besoin […].

Chaque dollar vient des membres, selon leur cœur et leur générosité, alors pour eux, c’est vraiment de l’altruisme. »

Il y avait quatre vétérans de la Seconde Guerre mondiale parmi les délégués, et deux d’entre eux faisaient partie du groupe du Canada. Haynes Cyril, le délégué de Sainte-Lucie, qui se tenait fermement droit, avait l’air d’avoir bien moins que les 91 ans qu’il a en réalité. Presque comme dans la photographie qu’il portait dans son portefeuille, prise de lui en uniforme, peu après la guerre. Ses collègues s’émerveillaient de son air jeune et de son maintien, alors Cyril s’est penché sur sa chaise pour démontrer son secret : redressements assis, levée des jambes et étirements. Homme énergique, il se passionne pour l’aide à ses collègues anciens combattants. « Nous essayons d’assister ces anciens combattants, leurs enfants et leurs familles, et cette année, les anciens des services qui se sont joints à moi pendant la guerre, mais qui n’ont pas eu la chance d’être recrutés outre-mer, bien qu’ils aient servi sur l’ile. » Cyril a expliqué qu’il en reste encore six ou sept. « Nous faisons de notre mieux. »

Haynes Cyril. [ILLUSTRATION : JENNIFER MORSE]

Haynes Cyril.
ILLUSTRATION : JENNIFER MORSE

La deuxième matinée d’affaires en a été une de rapports provenant des séances régionales. Cela a donné aux nations une idée des difficultés auxquelles font face les délégués en divers endroits du monde. On a appris qu’au Liban, les conditions dans les camps de réfugiés où vivent certains anciens combattants depuis des dizaines d’années sont sordides, et que Rosie Ghazal, la déléguée du pays, va les voir chaque mois à l’ambassade pour leur parler et leur venir en aide autant qu’elle peut. Il y a tant d’exemples. Le colonel Paul Davis, secrétaire général, en a donné quelques-uns. « On se sert de membres de la Zimbabwe a National Emergency (ZANE) pour faire le travail social individualisé et puis on accorde des subventions de bienêtre à nos anciens combattants et à nos veuves dans tous les coins du pays. Nous en avons aidé 1 600 ces dernières années. Cela fait jaillir un très beau rayon de soleil dans cette période sombre de l’histoire du Zimbabwe […]. En Ouganda, notre délégué, Herbert Kamyuka, s’occupe de plus de 1 000 anciens combattants et veuves. C’est-à-dire qu’il fait en sorte que les subventions de bienêtre aillent à ceux qui sont dans le besoin dans le Nord du pays ravagé par la guerre. Il a même réussi à remplacer les bovins qui avaient été volés à un vieil ancien combattant frêle du Nord du pays. »

Varga a aussi informé les délégués pendant le congrès. « Il y a beaucoup d’Antillais qui sont à nouveau en service chez les Britanniques, et bien sûr le Canada compte de nombreux militaires qui sont allés en Afghanistan. Nous les appuyons comme nous le pouvons, nous défendons leurs intérêts […] et […] cette organisation se caractérise, alors qu’elle avance vers l’avenir, par son travail pour ceux qui servent actuellement. Alors nous demandons à tout le monde de se souvenir aussi d’eux. »

Quelques problèmes ont aussi été soulevés. Les visiteurs aux Antilles donnent des pièces de monnaie et, comme dans la plupart des pays, les banques n’y font pas le change des pièces, elles ne changent que les billets. La LRC et la LRACC ont toutes deux promis de trouver une solution. L’absence des délégués de la Jamaïque et de la Dominique a aussi été cause d’inquiétude.

Pendant les réunions de la veille, la lieutenante-colonelle Florence Gittens de la Barbade avait fait remarquer que quatre ans entre les séances, c’est trop long. Elle a suggéré que les régions se réunissent une fois dans l’intervalle, en 2014, et elle a offert la Barbade comme hôtesse. Le Canada et les autres pays des Antilles ont accepté.

Ces délégués personnifiaient les idéaux de Malte et le premier ministre était réellement honoré d’être des leurs. « Vous maintenez en vie les histoires de la guerre, et ce qui est encore plus important, les histoires de la paix. Il ne faut pas considérer la liberté comme allant de soi […] votre travail nous rend fiers […] votre travail concerne le présent autant que le passé […]. Malte est fière de vous recevoir. »

En un mot, c’était cela le message du congrès : la LRACC offre son aide aujourd’hui et elle s’adaptera et changera pour subvenir aux besoins de demain, même après que se soit éteint le dernier vétéran de la Seconde Guerre mondiale. Malheureusement, il y aura toujours des anciens combattants et malheureusement, il y aura toujours des besoins.

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