MASSACRE À LA SOMME

Des soldats canadiens fourbus et éclaboussés de boue, à la Somme, retournent à leurs tranchées en novembre 1916. [PHOTO : WILLIAM IVOR CASTLE, BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA—PA000832]

Des soldats canadiens fourbus et éclaboussés de boue, à la Somme, retournent à leurs tranchées en novembre 1916.
PHOTO : WILLIAM IVOR CASTLE, BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA—PA000832

Le 1er juillet 1916, une armée britannique composée surtout de volontaires attaqua une force allemande bien entrainée et retranchée. Ce fut le jour le plus sombre de l’histoire militaire britannique. À la fin, il y avait eu plus de victimes que n’importe quel autre jour avant ou après : 30 000 pendant la première heure et 28 000 autres avant la tombée de la nuit. L’expression toute simple « le premier jour à la Somme » est depuis une expression représentant les horreurs de la Première Guerre mondiale.

La vallée de la Somme était l’endroit par excellence où ne pas lancer d’attaque pour les armées britannique et française. Depuis la source au nord-est de St-Quentin, en passant par Péronne et Amiens, et jusqu’à la mer, la vallée, étonnamment, n’avait guère d’importance sur le plan militaire. Il ne s’y trouvait ni centre de communications ni ressources cruciales. La seule chose d’importance, pratiquement, était la présence de soldats ennemis; il y en avait des milliers.

Les Allemands avaient occupé la région depuis 1914 et les mois qui suivirent leur avaient procuré bien du temps pour préparer de puissantes défenses en profondeur sur un terrain élevé. Leurs positions pratiquement inexpugnables consistaient en trois lignes de tranchées bien situées et contenant des abris bien creusés, des bunkeurs profonds contre les obus et des villages fortifiés. Toutes les positions se trouvaient derrière des enchevêtrements de fils de fer barbelés et étaient reliées par un réseau de tranchées communicantes. Les soldats de la deuxième armée du général Fritz von Below pouvaient y lancer un feu nourri sur les attaquants. Malgré les nombreux facteurs jouant contre les attaques, la Somme fut choisie pour la simple raison que c’est là que les armées britannique et française se rencontrèrent.

À une conférence tenue en décembre 1915, la décision d’une nouvelle offensive au front de l’ouest avait été prise conjointement par le général Joseph Joffre, commandant en chef français, et par son homologue britannique, le général sir John French (remplacé le 19 décembre par le général sir Douglas Haig). Ce devait avoir lieu dans le cadre d’une offensive stratégique plus grande où les alliés attaqueraient en même temps sur plusieurs fronts pour que les Allemands ne puissent pas permuter leurs ressources. L’ennemi mit un bâton dans les roues du plan des alliés en attaquant la grande forteresse française de Verdun en février 1916.

Les chars d’assaut furent utilisés pour la première fois à la fin 1916, à la Somme. [PHOTO : ARCHIVES DE LA REVUE LÉGION]

Les chars d’assaut furent utilisés pour la première fois à la fin 1916, à la Somme.
PHOTO : ARCHIVES DE LA REVUE LÉGION

Les Français avaient besoin d’une diversion pour attirer les Allemands ailleurs, et Joffre demanda qu’on lance l’offensive conjointe prévue. Haig aurait préféré une attaque en Flandre, mais il accéda aux désirs des Français. Plutôt que le coup décisif que l’on avait envisagé de porter à l’origine, l’intention fut alors simplement de réduire la pression sur les Français. Bien que Haig n’eut pas encore concentré les hommes et le matériel qu’il voulait, il acquiesça. La nouvelle date du lancement de l’offensive serait le 25 juin.

L’attaque principale serait lancée par le lieutenant-général sir Henry Rawlinson de la 4e armée, et elle serait flanquée par les attaques de soutien de la 3e armée au nord et des Français au sud. Mais Rawlinson n’avait pas confiance en ses bataillons de la prétendue nouvelle armée, des hommes sans expérience qui s’étaient engagés au début de la guerre. Il pensait qu’ils seraient incontrôlables lors de l’attaque des tranchées allemandes, et il ordonna un barrage d’artillerie intense pendant cinq jours pour détruire l’ennemi. Cela aurait permis à ses soldats de traverser simplement le champ de bataille en formation serrée, à la vitesse prescrite de 91 mètres la minute et à une minute d’intervalle entre les bataillons, réduisant les noyaux de résistance qui auraient survécu.

Les soldats furent assemblés, les munitions, livrées, les installations médicales, aménagées pour les victimes — qu’on évaluait à 10 000 par jour — et les cibles, désignées à l’artillerie. Ces préparatifs ne passèrent pas inaperçus. L’ennemi savait qu’une attaque serait lancée incessamment, mais il ne savait pas quand ni où elle aurait lieu. Quand le bombardement de l’artillerie commença, le 24 juin, il savait que ce serait bientôt.

L’artillerie était déterminante. Elle avait deux tâches : détrui-re les tranchées allemandes et couper les barbelés. Malgré un million et demi d’obus, ni l’une ni l’autre de ces tâches ne fut accomplie. Un grand nombre d’amorces d’obus tirés par les plus petits canons explosaient trop tôt ou trop tard pour couper les fils de fer, plusieurs canons furent usés et 30 p. 100 des obus n’explosèrent pas. En outre, comme l’on n’était pas au courant des bunkeurs profonds des Allemands, ils ne furent pas pris pour cible. De plus, l’attaque prévue au calendrier fut retardée par les fortes pluies des 26 et 27 juin.

Une vue aérienne du paysage criblé de trous d’obus autour des tranchées Regina et Kenora à la Somme, en automne 1916. [PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA—C-014151]

Une vue aérienne du paysage criblé de trous d’obus autour des tranchées Regina et Kenora à la Somme, en automne 1916.
PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA—C-014151

L’infanterie de 14 divisions britanniques, chaque homme portant 32 kilogrammes, prit le chemin de  l’aire de rassemblement avant l’aube du 1er juillet. La charge typique consistait en un fusil, une baïonnette, 220 balles, des rations, de l’eau, un masque à gaz avec casque, des pansements, deux grenades, des fusées éclairantes, une pelle et deux sacs à sable. Certains étaient encore plus chargés : on portait aussi des munitions pour les mitrailleuses, des obus à mortier, des piquets à barbelés et le matériel de signalisation. Au sud, 12 divisions françaises faisaient des préparatifs semblables. L’avance était axée sur la vieille voie romaine allant en ligne droite d’Albert à Bapaume, à 19 kilomètres au nord-est.

L’assaut fut lancé à 7 h 30, quand il faisait assez jour pour vérifier la précision du bombardement final. Pendant les quelques dernières minutes avant l’heure H, les Britanniques firent détoner 17 mines. Le Newfoundland Regiment, qui n’était revenu de la campagne des Dardanelles que trois mois auparavant, prit part à l’assaut.

Dans le secteur nord, l’assaut principal eut lieu près du petit village de Beaumont-Hamel. Vers le milieu de la matinée, le major-général Beauvoir de Lisle, commandant de la 29e Division, interpréta mal une fusée de signalisation allemande et ordonna l’avance de la 88e Brigade dont faisaient partie les Terre-Neuviens.

Ces derniers tombèrent sur les tranchées de communication dirigées vers l’avant qui étaient bloquées par les morts et les mourants du premier assaut. On leur donna l’ordre de sortir des tranchées alors qu’ils étaient encore à 200 mètres de leur ligne de départ et d’avancer à découvert. Ce fut un massacre. Les pires pertes eurent lieu quand les soldats serrèrent les rangs pour passer par les trouées traversant les barbelés des Britanniques. Ils furent fauchés par les Allemands, sauf un très petit nombre d’entre eux qui réussirent à atteindre la zone neutre. Incroyablement, quelques Terre-Neuviens atteignirent les barbelés des Allemands, lesquels étaient demeurés pratiquement intacts, avant que l’attaque ne s’enlise.

En quelques minutes, le Newfoundland Regiment avait pratiquement cessé d’exister. Sur les quelque 800 hommes qui prirent part à l’attaque en ce jour fatidique, seulement 68 étaient assez bien portants pour répondre à l’appel. Selon le général de Lisle, ce fut « un magnifique déploiement de bravoure entrainée et disciplinée, et son assaut n’a[vait] échoué que parce que les morts ne peuvent pas continuer d’avancer ».

Des soldats parmi les ruines de Beaumont-Hamel après sa capture. [PHOTO : LES SALLES, DIVISION DES ARCHIVES PROVINCIALES DE TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR—VA36-38.2]

Des soldats parmi les ruines de Beaumont-Hamel après sa capture.
PHOTO : LES SALLES, DIVISION DES ARCHIVES PROVINCIALES DE TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR—VA36-38.2

Nulle part ailleurs les Britanniques n’atteignirent-ils leurs objectifs, mais les Français atteignirent les leurs rapidement. Malgré les pertes énormes du premier jour — 20 p. 100 des combattants — Haig demeurait confiant et résolu. Il nota même dans son journal que ces pertes « ne [pouvaient pas] être considérées graves par rapport au nombre livré au combat et à la longueur du front attaqué ». Une série de poussées s’ensuivirent, qui coutèrent 25 000 victimes de plus jusqu’à la mi-juillet, quand la 2e ligne allemande fut franchie aux alentours de la crête de Bazentin.

Le mémorial (terre-neuvien) de Beaumont-Hamel. [PHOTO : SHARON ADAMS]

Le mémorial (terre-neuvien) de Beaumont-Hamel.
PHOTO : SHARON ADAMS

Haig, comme il le ferait si souvent par la suite, appela le Corps canadien à l’aide. Les trois divisions du Corps quittèrent la région d’Ypres et arrivèrent à la Somme vers la fin aout. À ce moment-là, la 2e ligne allemande avait été capturée, mais la 3e était encore intacte. Après une période d’acclimatation, les Canadiens prendraient part à la prochaine grande offensive de Haig, qui devait avoir lieu le 15 septembre. Les attaques limitées des Britanniques continuèrent jusqu’au 14 septembre, quand la 4e armée subit 82 000 pertes de plus en s’avançant d’environ 900 mètres, un résultat net encore pire que celui du 1er juillet.

Le début du dernier grand effort entrepris dans le but de traverser les lignes des Allemands fut la bataille de Flers-Courcelette, dont on se souvient surtout comme étant l’exorde du char d’assaut. Les premiers chars étaient peu fiables, des monstres lourdauds dont la vitesse maximale n’était que de 3,2 kilomètres à l’heure. Ils étaient conçus principalement pour écraser les barbelés et traverser les tranchées tout en protégeant leur équipage contre le feu des armes légères. Sur les 49 chars qu’on avait avant l’assaut, 32 se rendirent à la ligne d’assaut, et 21 seulement engagèrent le combat.

C’est aussi à Flers-Courcelette qu’eut lieu la première opération offensive des Canadiens. À 6 h 20, le 15 septembre, les 2e et 3e Divisions attaquèrent aux côtés de neuf divisions britanniques. La 2e Division visait le village de Courcelette. Ses 4e et 6e Brigades s’avancèrent derrière un barrage roulant des deux côtés de la route Albert-Bapaume vers leurs objectifs, Sugar et Candy, qui marquaient un grand X traversant la route à 800 mètres devant le village. À 7 h 30, les deux tranchées avaient été prises et les soldats s’y étaient retranchés.

À gauche de la 2e Division, la 3e Division envoya ses 7e et 8e Brigades à l’assaut de la ligne de tranchées Fabeck Graben. À la droite, des unités de la 8e Brigade capturèrent la partie nord de la tranchée Sugar. Des unités de la 7e Brigade la traversèrent et, à la nuit tombée, elles avaient capturé toute la tranchée sauf une partie de 250 mètres.

À 18 h, la 5e Brigade reprit l’assaut à Courcelette. Au bout d’un combat au corps à corps, les 22e (Canadiens français) et 25e (Nouvelle-Écosse) Bataillons, appuyés par deux chars, réussirent à capturer le village, alors que le 26e (Nouveau-Brunswick) s’occupait des Allemands qu’il restait dans les ruines. Comme le voulaient leurs tactiques habituelles, les Allemands lancèrent des contrattaques, qui furent repoussées. Le lieutenant-colonel T.L. Tremblay écrivit dans son journal : « Si l’enfer est aussi affreux que ce que j’ai vu à Courcelette, je n’y enverrais même pas mon pire ennemi. » Courcelette est le premier des villages et des villes, qui se chiffrent à plus de 250, que les Canadiens ont capturés pendant la guerre.

Le lendemain, c’était le tour de la 1re Division de prendre la tête, et elle se porta à l’attaque des hauteurs au-delà de Courcelette, mais sans grand succès. Pendant ce temps, la 3e Division poursuivait son attaque contre la ligne sui­vante, Zollern Graben, à peu près à 1 000 mètres au nord de Fabeck Graben. L’attaque fut repoussée, mais des unités de la 7e Brigade capturèrent la dernière section de Fabeck Graben. D’autres attaques pendant les journées qui suivirent échouèrent, les Allemands ayant renforcé leurs positions. Cette phase de la bataille se termina le 22 septembre, Zollern Graben fermement entre les mains des Allemands.

Quatre jours après, les Canadiens étaient à l’œuvre à la crête de Thiepval dans le secteur gauche du Corps. Zollern Graben était à nouveau un objectif, comme l’étaient les tranchées Hessian et Regina plus en arrière, ainsi que la tranchée Kenora, une saillie de la tranchée Regina. L’attaque, après trois jours de bombardements, fut lancée un peu avant midi, le 26 septembre par des unités de la 1re Division, leur attaque étant étayée à leur droite par la 6e Brigade de la 2e Division.

Des soldats écrivant un message de Noël sur une pièce d’artillerie, en novembre 1916. [PHOTO : MUSÉE CANADIEN DE LA GUERRE—19920085-025]

Des soldats écrivant un message de Noël sur une pièce d’artillerie, en novembre 1916.
PHOTO : MUSÉE CANADIEN DE LA GUERRE—19920085-025

À la droite de la 1re Division, les 14e (Royal Montreal Regt.) et 15e (48th Highlanders) Bataillons de la 3e Brigade tombèrent immédiatement sur le feu nourri provenant de nids de mitrailleuses et de l’artillerie, mais ils continuèrent quand même d’avancer. Au milieu de l’après-midi, des soldats du 14e atteignirent leur objectif au bout est de la tranchée Kenora, mais le 15e avait été retardé. Les Allemands lancèrent des contrattaques immé­diatement contre le 14e qui, renforcé par deux compagnies du 16e Bataillon (Canadian Scottish), tint jusqu’au soir du lendemain.

À gauche de la 1re Division, des unités de la 2e Brigade réussirent à traverser Zollern Graben en direction de la tranchée Hessian, et quelques soldats pénétrèrent même au-delà, jusqu’à Regina. Au cours des contrattaques qui suivirent, les Canadiens maintinrent leur tête de pont précaire, et les combats continuèrent sporadiquement jusqu’à ce que la 3e Division essaie de s’avancer, le 28 septembre, vers la tranchée Regina, mais elle fut stoppée brusquement par le feu de mitrailleuses et des barbelés intacts.

Hessian assurée le 29 septembre, le Corps renouvela son assaut à la ligne Regina, une des positions les mieux défendues de la Somme. Elle était située au-delà d’une corniche que l’artillerie n’arrivait guère à atteindre. Au milieu de l’après-midi du 1er octobre, sous la bruine, des unités des 4e, 5e et 8e Brigades lancèrent la première attaque. Elles essuyèrent un sérieux revers quand des Canadiens furent touchés par leur propre artillerie.

À l’arrivée des soldats de l’autre côté de la zone neutre où les attendaient les barbelés, des compagnies entières furent éliminées. Ceux qui réussirent à descendre dans la tranchée Regina — ils étaient peu nombreux — furent surmontés ou repoussés par les contrattaques allemandes. À la fin de la journée, plus de la moitié des attaquants faisaient partie des victimes et la tranchée Regina était encore fermement aux mains de l’ennemi.

Une forte pluie empêcha les attaques jusqu’au 8 octobre avant l’aube, quand plusieurs unités des 1re et 3e Divisions s’avancèrent à nouveau. Étant donné leur état de faiblesse — des compagnies n’étant guère plus qu’un peloton — on lança deux fois plus de bataillons que lors des attaques précédentes. Certains atteignirent à nouveau la tranchée Regina, mais manquant de munitions, ils ne purent pas tenir.

Il s’agissait de la dernière attaque du Corps à la Somme, mais pas la dernière à laquelle prirent part des Canadiens. Quand le Corps partit vers le nord à la réserve, le 17 octobre, le corps d’artillerie au complet restait derrière. En outre, la 4e Division nouvellement formée, qui avait atterri en France à la mi-aout pour se familiariser avec le milieu et s’entrainer, arrivait à la Somme.

Elle lança son premier assaut le 21 octobre, au cours duquel les 87e (Grenadier Guards) et 102e (North British Columbian) Bataillons suivirent un barrage rampant. Elle captura une section de 600 mètres de la tranchée Regina moins de 15 minutes après l’heure H, surtout parce que le feu de l’artillerie avait finalement brisé les barbelés et tué bon nombre d’ennemis. Cette fois-là, le soutien de l’artillerie permit aussi aux Canadiens de repousser les contrattaques.

Des fantassins canadiens ajustent leur baïonnette avant de passer à l’assaut. [PHOTO :  MUSÉE CANADIEN DE LA GUERRE—19920044-775]

Des fantassins canadiens ajustent leur baïonnette avant de passer à l’assaut.
PHOTO : MUSÉE CANADIEN DE LA GUERRE—19920044-775

Le 25 octobre, peut-être ayant mal interprété le succès de l’attaque du 21, la 4e Division n’envoya qu’un seul bataillon à l’attaque : le 44e (Winnipeg). Vu aussi le soutien inadéquat de l’artillerie, pas un seul soldat n’atteignit la tranchée Regina : une leçon tragique pour la nouvelle division. La troisième et dernière attaque de la division eut lieu après minuit le 11 novembre, cette fois-là comprenant suffisamment de soldats et un soutien par l’artillerie adéquat avant et pendant l’assaut. En à peine plus de deux heures, la tranchée Regina était prise.

Il ne restait qu’une dernière attaque, contre deux tranchées nouvellement construites, Desire et Desire Support, à 600 mètres au nord de la tranchée Regina. À 6 h 10, le 18 novembre, cinq bataillons de la 4e Division s’avancèrent. À 8 h, elle avait atteint la plupart de ses objectifs et ses soldats se retranchaient au-delà de la tranchée Desire Support. Les fortes pluies commencèrent le lendemain, empêchant d’autres attaques cette année-là. Le massacre à la Somme était enfin terminé.

Il s’agissait de la première grande offensive menée par les Britanniques. À la fin de la bataille de 18 semaines, les forces britanniques et françaises n’avaient pénétré le territoire tenu par les Allemands que sur 12 kilomètres, lors d’une des opérations militaires les plus sanglantes de l’histoire. Les Britanniques n’atteignirent même pas leurs objectifs du premier jour. La bataille continua longtemps après qu’elle eut atteint son but limité, qui devait être de retirer des forces allemandes à Verdun.

Alors pourquoi Haig persista-t-il malgré des pertes si importantes? Les dénigreurs de Haig, et ils sont nombreux, l’accusent d’avoir été un commandant sans imagination pour qui les couteuses batailles d’usure étaient la seule façon de faire la guerre. Une de ses propres justifications pour la Somme : la force de l’ennemi avait été grandement usée, une conclusion qui n’a été acceptée ni alors ni par la suite. Aujourd’hui, la Somme est généralement considérée comme un échec couteux.

La bataille valait-elle la peine? D’après une école de pensée, la Somme représente un pas en avant important à la guerre et c’est grâce à elle que l’Allemagne a finalement été défaite. Elle a marqué le début de la vraie coopération et de la coordination entre les armes, surtout l’infanterie et l’artillerie. En plus des raffinements du barrage roulant, l’artillerie conçut les méthodes du repérage par éclats et du repérage par le son pour localiser les canons ennemis, ainsi que la détermination des cibles pour provoquer la surprise.

Les Allemands aussi apprirent des leçons à la Somme, surtout en ce qui concerne les tactiques de défense. Plutôt que de tenir les lignes du front à n’importe quel prix, ils inventèrent la défense flexible en profondeur qui contra les améliorations des Britanniques en grande partie. La preuve fut faite en 1917, quand les deux armées engagèrent le combat à nouveau : il y eut des pertes énormes et très peu de gains. Ce gaspillage de main-d’œuvre lors des batailles d’usure ne pouvait pas continuer; il fallait trouver une façon de rétablir aux champs de bataille le principe des tir et mouvement qu’on semblait avoir oublié. Mais cela n’aurait pas lieu avant les derniers mois de la guerre.

Bien qu’il soit difficile d’obtenir les chiffres exacts, le nombre de victimes de toutes sortes à la Somme est estimé à au moins un million et quart d’hommes : peut-être 420 000 Britanniques, 195 000 Français et 650 000 Allemands. Les pertes chez les Canadiens s’élevèrent à 24 000, dont presque 8 000 morts. D’après le premier ministre britannique David Lloyd George, la bataille de la Somme a été la plus grande, tenace, sombre, futile et sanglante de l’histoire militaire.

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