![Des blanches colombes tenues par (de g. à d.) Josée Verner, le maire Régis Labeaume et le premier ministre Jean Charest sont lâchées. [PHOTO : TOM MacGREGOR]](http://www.legionmagazine.com/en/wp-content/uploads/2008/12/awaylead.jpg)
L’appel à la commémoration semble naturel à Québec, surtout pour les gens qui se rassemblaient autour de la Croix du sacrifice à l’occasion du service annuel du jour du Souvenir. Cette croix, minuscule par rapport à la Citadelle dont les fortifications dominent la vieille ville, est une présence sombre au terrain de l’hôtel du Parlement, l’édifice de l’Assemblée nationale.
C’est à l’entrée de cet édifice, sous les armoiries provinciales, qu’Eugène-Étienne Taché, architecte et sous-commissaire des terres publiques, a fait graver la devise « Je me souviens ».
Il n’a laissé à la postérité aucun document expliquant pourquoi (en 1883) il s’est arrêté sur ces mots. Ce pourrait être un vers de Victor Hugo, ou un hommage à une époque révolue du Québec; quoi qu’il en soit, c’est devenu la devise de la province en 1939, quand les armoiries ont été adoptées officiellement. La formule a également été adoptée par le Royal 22e Régiment, la fameuse unité québécoise de fantassins réguliers et elle décore aussi les plaques d’immatriculation de la province.
![Verner dépose une couronne, assistée par Georges Lasnier. [PHOTO : TOM MacGREGOR]](http://www.legionmagazine.com/en/wp-content/uploads/2008/12/awayinset1.jpg)
Il y avait en outre des bannières pour rappeler le passé — dans tout le secteur du centre de la ville — en l’honneur du 400e anniversaire de la fondation de Québec, par Samuel de Champlain (Bonne fête Québec, mai/juin). Toutefois, c’est d’un passé plus récent que ceux qui se sont rassemblés le 11 novembre étaient venus se souvenir. Les anciens combattants et les jeunes hommes et femmes en uniforme qui défilaient derrière la Musique du Royal 22e Régiment le long de la Grande-Allée, la fameuse voie par laquelle on entre dans la vieille ville, avaient les guerres du siècle dernier et l’insurrection actuelle en Afghanistan à l’esprit. Alors que certains anciens combattants pensaient à la Seconde Guerre mondiale et à la guerre de Corée, d’autres pensaient aux 10 membres des Forces canadiennes de la Base des Forces canadiennes Valcartier avoisinante, au moins, parmi les presque 100 soldats qui ont trouvé la mort en Afghanistan depuis 2002.
La neige matinale avait disparu des plaines d’Abraham au lever du soleil et, bien que le temps fût encore à la neige, les nuages dévoilaient le soleil, de temps à autre, pendant la cérémonie à laquelle assistaient quelque 1 500 personnes.
![Georges Lasnier aide Charly Forbes à déposer une couronne. [PHOTO : TOM MacGREGOR]](http://www.legionmagazine.com/en/wp-content/uploads/2008/12/awayinset2.jpg)
On entendit l’O Canada après la 11e heure et puis ensuite il y eut les coups de canon, la dernière sonnerie, la diane, la complainte et l’Acte du souvenir. Alcide Maillet, de la filiale Lt.-Col. Charles Forbes de Loretteville, faisait fonction de maitre des cérémonies durant le service, lequel a été réglé dans les deux langues officielles, et durant lequel un défilé aérien de trois hélicoptères de Valcartier a grondé au-dessus des têtes.
La première couronne a été déposée par Jean Charest, qui faisait une pause durant la course aux élections annoncée une semaine auparavant. Ensuite, ce fut le tour d’Elsie Godin, membre de la filiale et représentante des mères de la Croix d’argent. Josée Verner, ministre des Affaires intergouvernementales et députée locale et le maire de Québec, Régis Labeaume, lui ont emboité le pas. Chacun a déposé une couronne de la part de son gouvernement respectif.
Quant à la Légion, c’est Charly Forbes lui-même qui l’a représentée. Cet éminent ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale et de celle de Corée, âgé de 87 ans, participe toujours à quantité de cérémonies militaires dans la région. Le président Georges Lasnier de la filiale Lt.-Col. Charles Forbes l’accompagnait.
Charest a inspecté les troupes et bavardé de surcroit avec les anciens combattants. Des dizaines de couronnes ont été déposées pendant qu’une chorale d’enfants chantait des hymnes, accompagnée par la Musique. Les couronnes déposées, des élèves portant des drapeaux à feuille d’érable et des coquelicots en carton sont venus les déposer par terre autour de la croix.
Un moment émouvant a eu lieu à la fin de la cérémonie, après qu’une cage de colombes avait été avancée. Les oiseaux furent donnés à Charest, Verner et Labeaume, qui ont attendu le signal de les laisser s’envoler. Les oiseaux, effrayés, se sont alors éloignés d’eux, battant des ailes au-dessus de la foule et ensuite par-dessus le mur de la Citadelle, dans la paix et la liberté.
![Joe Bilocq défile à la tête des anciens combattants. [PHOTO : TOM MacGREGOR]](http://www.legionmagazine.com/en/wp-content/uploads/2008/12/awayinset3.jpg)
Peu de temps après, le défilé a pris le départ et les anciens combattants et les soldats ont été invités au gymnase de la Citadelle pour une boisson chaude et des sandwiches. Beaucoup d’entre eux se sont rendus à la filiale de Loretteville par la suite, où ils ont terminé la journée en racontant leurs souvenirs.
Forbes dit qu’il pensait aux huit volontaires belges qui faisaient partie de son unité, dans le Régiment de Maisonneuve, quand il se battait pour l’ile de Wacheren, à la bataille de l’Escaut. « Bien que les Britanniques avaient libéré Anvers en septembre (1944), pas un navire de ravitaillement n’avait pu se frayer un passage. C’était la fin du mois d’octobre et nous avions besoin d’approvisionnements », se souvient Forbes.
Les bâtiments alliés n’allaient pouvoir traverser l’estuaire en sécurité que si les Canadiens en chassaient les forces allemandes. Les Britanniques avaient donné l’ordre d’inonder le secteur. « Mais les Allemands étaient malins. Ils avaient mis leurs canons sur les digues. Les canons continuaient de tirer même après que la terre a été inondée. »
Forbes, qui était alors lieutenant, reçut l’ordre d’avancer sur les digues; mais, son unité avait été fortement décimée après la Normandie. « Huit volontaires belges travaillaient dans notre cuisine, se rappelle-t-il. Ils sont venus me dire qu’ils voulaient combattre à nos côtés. Ils voulaient participer au combat avec les fusils allemands qu’ils avaient ramassés. J’ai dit qu’ils sortent de la cuisine. On leur a donné des uniformes à nous. S’ils s’étaient fait prendre, ils auraient été fusillés. »
![La mère de la Croix d’argent Elsie Godin (à g.) se prépare à déposer une couronne. [PHOTO : TOM MacGREGOR]](http://www.legionmagazine.com/en/wp-content/uploads/2008/12/awayinset4.jpg)
C’est pour la bataille qui a suivi qu’on a décerné la plus importante médaille d’honneur à Forbes : la Militaire Willems Orde. « On s’était fait esquinter sur une digue d’environ 1 000 verges de longueur par 60 verges de largeur. Mais, les Allemands allaient être obligés de me passer dessus pour traverser. J’ai tiré sur le premier qui s’est avancé vers nous avec mon pistolet et il nous restait encore une mitrailleuse pour les tenir en respect », se rappelle-t-il.
Par la suite, la reine Wilhelmina des Pays-Bas a décerné neuf médailles du Willems Orde à des Canadiens. Ce n’est que durant les années 1960 qu’il a appris qu’on l’invitait à une manifestation en même temps que les récipiendaires de la Croix de Victoria. « Ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai appris […}. Je portais cette médaille et personne au Canada ne savait ce qu’elle signifiait; y compris moi! »
Pour conclure, le jour du Souvenir, Forbes dit qu’il aurait voulu que les Belges qui ont combattu à ses côtés soient reconnus, mais cela n’arrivera jamais.
D’autres personnes, à la filiale, ont raconté leurs histoires du temps qu’ils étaient militaires. Les anciens combattants du groupe ont vite remarqué la Médaille de la bravoure de Claude Godin, surnommé Joe, la décoration civile pour bravoure dans des circonstances dangereuses. Il était sergent dans la police militaire à la Base des Forces armées canadiennes Bagotville (Qc), le 27 novembre 1982 : « Un matin, au réveil, je me suis aperçu que la maison mobile de l’autre côté de la rue était en flammes. Une femme était à l’extérieur, mais son garçon de 17 mois était encore dedans », nous explique Godin, qui est maintenant âgé de 65 ans. « Je suis allé au berceau, j’ai pris le petit et je suis ressorti. On était à peine à l’air libre que tout a fait pfuit! »
Le président Lasnier de la filiale, occupé à des dizaines de détails, a terminé la journée triomphalement. « La cérémonie a toujours été organisée par les gens de la filiale Citadelle […], mais ils ont dû accepter qu’ils ne pouvaient plus continuer. C’était notre tour de prendre en main la cérémonie », dit-il.
La filiale Lt.-Col. Charles Forbes en est une nouvelle, dont l’ouverture a eu lieu en 1995. En 2007, elle a acheté un ancien bar country et western de Loretteville, à 11 kilomètres du centre-ville et elle en a fait son hall de filiale; beaucoup mieux que l’appartement à l’étage dont elle se servait auparavant.
Le membre André Côté de la filiale Citadelle reconnait que la responsabilité des services du jour du Souvenir est passée à la nouvelle filiale. « Notre effectif avait diminué à 80 à peu près. Nos membres vieillissent; beaucoup sont à l’hôpital. Et l’incendie est une raison de plus pour décider d’arrêter. »
L’incendie que mentionnait Côté était la conflagration spectaculaire du 4 avril qui a détruit le manège de Québec (Journal, juillet/aout). L’édifice, construit entre 1885 et 1887 (dessiné par Taché également), abritait le plus vieux régiment canadien français, celui des Voltigeurs de Québec. La filiale Citadelle y logeait ainsi que les cadets et d’autres groupes s’en servaient également.
L’incendie ayant détruit l’intérieur et le toit en bois sec, il ne restait plus que les murs extérieurs et les tourelles. Sa fière histoire est encore racontée au moyen d’une plaque de site historique au terrain d’exercices, devant l’édifice.
Il s’agit d’encore un rappel du riche patrimoine militaire de Québec, ce qui est toujours manifeste si l’on se fie au grand nombre de gens venus au service. Les membres de la filiale Citadelle, leur office arrivant à terme, ont trouvé une autre filiale et une autre génération, pour prendre leur relève.