Bonne fête Québec

Les feux d’artifice étaient au programme lors du lancement du 400e anniversaire de Québec. [STEVE DESCHENES]

Les feux d’artifice étaient au programme lors du lancement du 400e anniversaire de Québec.
STEVE DESCHENES

Les résidents de Québec ont exprimé leur suffrage, lors d’une élection partielle vers la fin de l’an dernier, pour choisir le successeur d’Andrée P. Boucher, mairesse populaire décédée à la fin du mois d’aout. Les électeurs ont choisi, parmi les quinze candidats qui s’étaient présentés, Régis Labeaume, homme d’affaires et politique novice de 51 ans qui, bien que n’ayant que 3 p. 100 des intentions de vote en sa faveur dans les sondages d’opinion publique au début de la campagne, a fini par obtenir 59 p. 100 des voix. Sa candidature reposait sur une plate-forme d’après laquelle il allait faire de Québec un centre d’excellence pour la recherche de pointe et l’innovation scientifique. Mais il dit qu’il n’a pas passé une grande partie de la première année qu’il a été maire à s’occuper de cela. À la place, il s’est dépensé surtout à la présidence de la plus grande fête d’anniversaire du continent.

Québec va avoir officiellement 400 ans le 3 juillet 2008 — il y a quatre siècles, un explorateur et aventurier intrépide du nom de Samuel de Champlain atterrissait avec environ 30 autres Français, y compris des travailleurs manuels, des charpentiers, des équarisseurs, sur la berge du fleuve Saint-Laurent que les autochtones appelaient kébec, ce qui signifie, « où le fleuve rétrécit », parait-il. Ils construisirent un hameau de trois édifices à étage, entouré d’une palissade et d’une douve, établissant ainsi une présence française en Amérique du Nord qui existe encore de nos jours.

Cela fait de Québec une des plus vieilles collectivités du continent habitées de façon continue. On dit que St. Augustine, en Floride, qui a été fondée par les Espagnols en 1565, est la plus vieille. En 2007, les États-Uniens ont célébré le 400e anniversaire de la fondation de Jamestown, en Virginie actuelle, la première colonie anglaise en Amérique du Nord, disparue avant 1750 et dont l’emplacement est aujourd’hui en partie submergé. Les résidents de Santa Fe, au Nouveau-Mexique, se préparent aussi pour le 400e anniversaire de leur ville, fondée par les Espagnols en 1610.

Mais, d’après certains écrivains, l’entreprise de l’audacieux explorateur français n’aurait pas donné naissance qu’à une seule collectivité. « Le 3 juillet 1608, quand Champlain mettait pied à terre à Québec et déployait le drapeau fleurdelisé, est le jour de la naissance de la ville et de la province, et même du pays qu’on appelle le Canada », écrivait son biographe Samuel Eliot Morse. Il s’agit d’une description appropriée du tour de force de Champlain, d’après Philippe Couillard, ministre de la Santé et des Services sociaux du gouvernement libéral de Jean Charest et responsable de la région de Québec. « Ces célébrations sont très importantes pour la ville ainsi que pour le Canada », dit M. Couillard, Québécois de 11e génération dont l’ancêtre parvenait à la petite colonie en 1613. « C’est une partie de l’histoire de tout le pays. C’est là où la dualité historique du Canada a commencé. »

Ce n’est pas tous les ans qu’une ville et ses citoyens ont des événements si agréables à célébrer, et les résidents de la capitale québécoise, ainsi que les visiteurs venant du reste du Canada, des États-Unis et d’ailleurs autour de la planète, vont célébrer en grand.

« Ça va être une grande fête », disait M. Labeaume quelques jours après avoir été installé. « Ça va être extraordinaire. Je n’ai pas pensé au 400e pendant la campagne électorale. Je me suis aperçu que j’allais devoir m’en occuper quand j’ai été intronisé. »

Il n’a pas eu beaucoup de temps pour étudier le dossier et se préparer. La célébration de 85 millions de dollars, financée grâce à 40 millions de dollars d’Ottawa, 40 millions de dollars du gouvernement provincial et le reste provenant des coffres municipaux, a commencé la veille du jour de l’an à la place d’Youville, à l’extérieur des impressionnants murs de pierre de la citadelle qui a été bâtie aux XVIIe et XVIIIe siècles en haut de la falaise surplombant la flèche riveraine où se trouvait la petite colonie à l’origine.

La célébration, le soir de l’ouverture, ne s’est pas passée telle que prévue. La foule (il est difficile d’obtenir les évaluations officielles de sa grandeur) était deux fois plus vaste que prévue. La plupart des gens ne réussirent pas à s’approcher de la scène et les moniteurs de vidéo étaient trop petits. Le compte à rebours vers minuit fut retardé et les feux d’artifice annulés parce que le public empiétait sur l’aire de lancement. Toutefois, les Québécois ont démontré par leur enthousiasme qu’ils désiraient célébrer.

Les immenses silos du port de la ville vont servir d’écran géant pour le Moulin à images. [ ]

Les immenses silos du port de la ville vont servir d’écran géant pour le Moulin à images.

La Société du 400e anniversaire de Québec, organisme responsable de toutes les festivités, prévoit des centaines de manifestations. La cérémonie de fermeture doit avoir lieu la veille du jour de l’an. Les activités vont comprendre des spectacles donnés par Céline Dion et le Cirque du Soleil, ainsi que l’exposition d’œuvres apportées du Louvre et des manifestations politiques auxquelles vont participer le premier ministre Stephen Harper et le président français Nicolas Sarkozy. Au site de la toile suivant se trouve la liste complète des manifestations : www.monquebec2008. sympatico.msn.ca.

Les organisateurs croient que le 400e de Québec va attirer 5,5 millions de visiteurs à une ville dont la population dépasse à peine les 500 000 habitants, mais les résidents sont habitués à de tels déferlements d’étrangers. Effectivement, le tourisme est une importante industrie de la capitale provinciale depuis longtemps (surpassée par le gouvernement et l’administration publique seulement), grâce à la situation spectaculaire au bord de l’eau, les montagnes environnantes et, bien entendu, ses riches édifices patrimoniaux, inégalés en Amérique du Nord et dont certains datent du début des années 1600. Mais le tourisme a atteint de nouveaux sommets depuis décembre 1985, quand le Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO ajoutait l’arrondissement historique du Vieux-Québec à sa liste de sites historiques d’importance mondiale.

L’an dernier, 4,8 millions de personnes l’ont visité, d’après Richard Séguin, porte-parole de l’Office du tourisme de Québec. La plus grande partie — 3,2 millions — venaient de la province. Cinq cent mille autres venaient du reste du Canada, 550 000 des États-Unis et le reste d’autres endroits que de l’Amérique du Nord. La plupart des visiteurs internationaux viennent de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne et de l’Italie, mais les Japonais et les Coréens viennent en nombres de plus en plus grands et, dernièrement, les Mexicains aussi, dit Séguin. Il dit aussi que si la ville peut recevoir autant de gens, c’est grâce à son industrie hospitalière qui s’enorgueillit de disposer de 12 000 chambres d’hôtel, de motel, d’auberges et d’autres pensions. Pour se renseigner sur l’hébergement, les restaurants et les autres services, visiter le site de la toile à www.quebecregion.com.

Lucie Latulippe, déléguée aux affaires nationales et internationales de la Société du 400e, dit que la planification du spectacle somptueux a commencé en 2000, quand le maire d’alors Jean-Paul L’Allier a demandé au directeur du Musée de la civilisation du Québec de dresser un modèle de célébration. La Société du 400e, qui a quelque 75 employés, a assemblé un répertoire d’environ 130 manifestations, dans le cadre desquelles seront accueillis quelques- uns des plus grands talents du Québec.

Il va y avoir un concert de Céline Dion, spectacle gratuit qui aura lieu le 22 aout aux plaines d’Abraham, tout juste à l’extérieur des murs de la vieille citadelle où, un jour de septembre 1759, le général James Wolfe et ses réguliers britanniques ont défait le général français Louis-Joseph Montcalm et ses forces (qui comprenaient des troupiers venus de France, des miliciens de Québec et leurs alliés aborigènes). Cet ancien champ de bataille, site de la conquête de la Nouvelle-France par les Britanniques — moment décisif du passé canadien — est actuellement un Site historique national et un parc urbain à quelques centaines de pieds au-dessus du Saint-Laurent.

On s’attend à ce que Mme Dion, qui se produira dans sa province natale pour la première fois depuis plusieurs années, attire entre 80 000 et 100 000 personnes.

Son concert public est prévu pour le 22 aout. La Société du 400e a commandé deux autres œuvres importantes dont on va parler longtemps après la fin des célébrations. Il s’agit d’abord du Moulin à images, une création du directeur, acteur, dramaturge, producteur et artiste de génie de Québec Robert Lepage. Cette production de 40 minutes sera affichée, après le coucher du soleil, du 20 juin au 29 juillet.

Des images de l’histoire longue et mouvementée de la ville serviront d’assiette aux coureurs de bois qui s’introduisaient à l’intérieur des terres pour les explorer et commercer avec les autochtones; à l’important port nord-américain d’où les cargos partaient pour l’Europe, remplis de bois de charpente et où ils arrivaient d’Europe, pleins d’immigrants; à la ville militaire où ont eu lieu des combats et où des soldats canadiens se sont assemblés pour aller se battre en Europe durant les deux guerres mondiales.

Les images de M. Lepage seront projetées sur les immenses silos du port, qui en deviendront des écrans géants de 600 mètres de longueur par 60 mètres de hauteur. On pourra les voir à plusieurs kilomètres de là.

L’autre œuvre est un spectacle en l’honneur de la diversité francophone créé par le Cirque du Soleil, qui est né au début des années 1980 à Baie-Saint-Paul, 90 kilomètres à l’est de Québec, et qui est actuellement un conglomérat international avec des tournées de spectacle et des salles permanentes à Las Vegas et au Disney World d’Orlando (Floride).

Mme Latulippe dit que d’après les plans d’origine, il y aurait un spectacle seulement, le 19 octobre, au Colisée, mais son organisation était en train de négocier avec le Cirque pour en ajouter.

À part les gros spectacles, la majeure partie des 130 et quelques manifestations vont être des productions populaires faisant étalage du génie créatif qui abonde au Québec. Mme Latulippe dit que la Société du 400e a demandé la participation des organisateurs de trois manifestations annuelles renommées : le Carnaval de Québec, le Festival d’été de Québec et les Fêtes de la Nouvelle-France. La société a aussi demandé le concours des institutions culturelles et des sociétés historiques. « Nous avons demandé à ces organisations de créer des projets spéciaux et nous leur avons apporté un soutien financier », dit Latulippe. « Nous pensons qu’il va y avoir quelque chose d’intéressant pour tous les secteurs de la population. Il y aura les compétitions sportives, les activités de plein air, les manifestations pour toute la famille, les spectacles culturels et les recréations historiques.

Le cœur des festivités sera l’Espace 400, sur la rive et à côté du bassin Saint-Louis, grande marina en dessous des falaises de la vieille ville. L’Espace 400, créé spécialement pour les manifestations de l’anniversaire, comprend deux scènes extérieures et un théâtre intérieur, plus grand, où peuvent s’asseoir 800 personnes.

Quant aux gouvernements fédéral et provincial, ils profitent du 400e pour rehausser le prestige international du Canada en tant que pays où il y a une importante population francophone et une culture francophone pleine de vie. À la mi-octobre, Québec se fera l’hôtesse du 12e Sommet de la Francophonie, organisation pour la coopération économique et culturelle entre les pays d’expression française ou qui abritent des minorités qui parlent la langue de Molière. Les chefs politiques de nombre de ces 55 pays, dont le premier ministre Harper et le président français Sarkozy, y sont attendus. Deux autres manifestations parrainées par l’organisation de la Francophonie vont précéder le sommet : une assemblée des ministres gouvernementaux et un congrès de maires de ville francophone.

Québec va retirer des bénéfices permanents d’une année de célébrations qui va probablement se terminer bien trop vite. M. Couillard fait remarquer qu’Ottawa et la province vont effectuer des investissements importants dans l’infrastructure, dont l’objet sera d’améliorer les approches de la rive pour les citoyens. On est en train de construire la Promenade Champlain pour piétons et cyclistes. Une expansion de l’aéroport de Québec de 65 millions de dollars devait être finie; et le terminal devrait ouvrir au mois de juin, à temps pour recevoir les visiteurs étrangers venant à l’anniversaire. « Les effets durables de ces investissements mixtes fédéral-provincial vont être appréciables pour la qualité de notre ville », dit Couillard. « Ces projets existent depuis bien des années, mais il fallait un événement comme le 400e pour les mettre en marche. »

La grande célébration de l’histoire et du patrimoine de la plus vieille municipalité canadienne éclipse une importante transformation qui s’est passée durant les derniers vingt ans. Elle retarde aussi de façon temporaire le but de M. Labeaume, qui était d’encourager ce changement. Québec, que l’on sait depuis longtemps ville de fonctionnaires et de touristes, est doucement devenue l’un des centres principaux de recherche et développement, surtout grâce aux programmes de science et de génie de l’Université Laval, une des plus grandes institutions postsecondaires au pays. « Notre renommée concerne notre histoire », dit Labeaume. « La plus grande partie du pays ignore que nous sommes actuellement un centre d’innovation. Je veux faire de Québec la ville la plus innovatrice du pays. »

Actuellement, quelque 6 000 scientifiques, dont beaucoup ont fait partie du personnel de Laval ou ont été associés à l’université, sont employés par les sociétés de recherche et développement du Parc technologique du Québec métropolitain. En tout, 90 sociétés sont en train d’essayer de transformer des découvertes scientifiques en produits commerciaux, ou leurs produits sont déjà sur le marché. Elles se rassemblent autour de quelques domaines scientifiques spécifiques, dont la technologie de l’information, les produits biopharmaceutiques et les technologies du bois. « On a commencé le parc il y a 10-15 ans et les résultats commencent à paraitre », dit Daniel Denis, architecte et président de la Chambre de commerce de Québec. « Le parc est plein et il nous faut l’agrandir. »

M. Denis dit que l’économie de la ville va extrêmement bien depuis quelques années, au point où le chômage n’est que d’environ 5 p. 100, en dessous de la norme nationale et bien en dessous du reste de la province. En effet, le manque de main-d’œuvre est un des pires problèmes qui point. « Beaucoup de membres du baby-boum vont prendre leur retraite et commencer à recevoir leur pension, dit M. Denis, il va nous falloir remplir 70 000 postes, principalement au gouvernement et dans l’industrie de l’assurance. »

Mais les gens ne s’intéressent pas beaucoup à ce genre de questions cette année. Les Québécois sont par trop occupés à célébrer la naissance de leur province et de leur culture.

Search
Connect
Listen to the Podcast

Leave a Reply