Au secours du Bomber Command

Dans le but de favoriser le débat public sur la campagne de bombardement stratégique de la Seconde Guerre mondiale, nous offrons ce point de vue de David L. Bashow, dont le livre No Prouder Place : Canadians and the Bomber Command Experience 1939-1945 (Pas d’endroit plus fier : les Canadiens et l’expérience du Bomber Command), a obtenu des critiques favorables (Off The Shelf [non traduit], mai/juin 2006). L’auteur a aussi beaucoup écrit, dans des livres et des périodiques sélects, sur différents sujets concernant la défense, la politique étrangère et l’histoire militaire. Ancien pilote de chasse des Forces canadiennes, il est éditeur de la Revue militaire canadienne et professeur adjoint au Collège militaire royal à Kingston (Ont.).

Bien que cela puisse sembler vieux jeu dans le monde actuel, je crois qu’une société a besoin de héros, avec leurs exemples de courage et d’honneur, pour l’inspirer et il n’y a pas de partie de la société qui en a besoin davantage que celle des forces armées.

Je crois aussi que les citoyens d’une nation ont besoin qu’on leur rappelle de temps en temps que, des fois, il leur faudra être prêts à se battre, à prendre position par rapport aux valeurs auxquelles ils croient et qu’ils chérissent. Durant les années 1930 et 1940, le nazisme était une tache obscène sur l’humanité; il fallait l’éliminer aussi vite que possible et cela par tous les moyens.

Il ne nous reste que bien peu de temps pour rendre hommage convenablement à nos vétérans de la Seconde Guerre mondiale et leur faire part de notre reconnaissance. Ces idées à l’esprit, surtout vu la récente explosion de négativisme concernant l’offensive du bombardement stratégique de la Seconde Guerre mondiale, je crois qu’il est temps de parler en détail des raisons et des résultats de la campagne de bombardement.

À propos de cet immense effort, un certain nombre de particuliers, pour un aussi grand nombre de raisons, ont cru bon d’éliminer ou de manipuler de manière sélective les faits historiques reliés au bombardement, marginalisant son impact en tant que contribution au gain de la guerre et dénigrant la conduite des équipages d’aviateurs qui y ont participé; autrement dit : stigmatisant le bombardement comme étant immoral et inutile.

Toutefois, je maintiens fermement que les résultats du bombardement allié ont été bien plus importants en ce qui a trait aux effets directs et indirects obtenus, ainsi qu’en faisant terminer la guerre favorablement, que ce qu’on a reconnu généralement auparavant. Je crois aussi qu’il est essentiel de comprendre que les décisions et les actes historiques qui s’en sont suivis ne peuvent pas être examinés à travers la lentille morale que sont les sensibilités d’aujourd’hui. On doit juger ce qui a été entrepris dans le contexte de l’époque et en se basant sur les renseignements et les considérations de planification qui étaient disponibles en ce temps-là. Autrement, la précision historique risque fort bien d’être supplantée par la rectitude politique et, après tout, avec du recul tout est bien plus clair.

À bien des égards, le nouveau Musée canadien de la guerre est un hommage exceptionnel au fier patrimoine militaire du Canada. Toutefois, quand une institution doit reconnaître autant d’histoire militaire, il y a toujours risque de trop simplifier (En guerre contre le musée de la guerre, novembre/décembre). J’ai peur que ce soit ce qui est arrivé à l’historique de l’offensive du bombardement combinée de la Seconde Guerre mondiale, surtout le panneau d’exposition intitulé Une controverse qui persiste et dont le sous-titre est Bombardement stratégique.

Bien qu’on ait remarqué au musée, avec justesse, que beaucoup de ressources avaient été engagées à l’intérieur du Troisième Reich à cause de la menace qu’était ce bombardement, d’après moi la généralisation simpliste et trompeuse suivante passe à côté de l’essentiel. “Les bombardements massifs de l’Allemagne ont été la cause de beaucoup de destruction et de morts. La valeur et la moralité de l’offensive du bombardement stratégique contre l’Allemagne est toujours contestée âprement.

L’objectif du Bomber Command était de saper le moral des civils allemands et de forcer l’Allemagne à se rendre en détruisant ses villes et ses installations industrielles. Même si les attaques du Bomber Command et des forces américaines ont causé la mort de 600 000 Allemands et en ont laissé 5 millions d’autres sans-abris, ils n’ont détruit qu’une infime partie de la production de guerre allemande avant la fin de la guerre.”

Malheureusement, cette représentation particulière sert de résumé ou de bilan de la campagne, devenant effectivement le legs du Bomber Command qui perdure dans le musée. Les citations additionnelles ne servent qu’à souligner les conclusions morales et humanitaires qui ne touchent guère à la valeur stratégique et militaire des résultats que le bombardement a obtenus.

Quelle est-elle exactement, cette controverse qui touche à la campagne de bombardement, et pourquoi est-elle devenue un problème? En ce qui concerne la Seconde Guerre mondiale, la controverse a commencé vers la fin de la guerre, à cause de rapports erronés sur les bombardements, surtout le bombardement de la ville allemande de Dresden lequel a eu lieu les 13 et 14 février 1945.

Une grande partie de la désinformation reliée à ces raids, y compris les chiffres de victimes civiles grandement exagérés, allant jusqu’à 1 000 pour cent, qui avaient été transmis aux agences de presse alliées en passant par des pays neutres, avaient leur origine au ministère de la propagande de Josef Goebbel.

Il y a moins longtemps, le sympathisant nazi et nieur de l’holocauste David Irving a mis de l’huile sur le feu, tout comme l’épisode Mort au clair de lune qui faisait partie de la série très controversée La bravoure et le mépris, une production qui a été condamnée par les groupes d’anciens combattants après sa diffusion à la télévision de la SRC au début des années 1990.

En plus de cela, l’économiste renommé né au Canada John Kenneth Galbraith, qui avait fait partie de l’équipe alliée de sondage sur le bombardement stratégique après la guerre, a vaguement fait marche arrière à propos de son accord ‘tout à fait’ avec les résultats du sondage, déclarant vers la fin de sa vie, donc bien longtemps après coup, qu’il ne croyait pas que le bombardement avait été aussi efficace que ce qu’on pensait auparavant.

Ainsi, du dire de l’historien britannique renommé Richard Holmes : “nombre de survivants ont payé le prix fort en santé et en bonheur, ce qu’a empiré le dénigrement de leurs efforts par les critiques allant de ceux qui étaient moralement pointilleux à ceux qui appuyaient la campagne jusqu’à ce qu’ils aient vu ce qu’elle avait fait mais qui ensuite désiraient s’en distancer, en passant par ceux qui agissaient par intérêt politique. Comme les tempêtes de feu qui étaient l’expression la plus effroyable du bombardement, la condamnation de la campagne s’est nourrie d’elle-même jusqu’à ce que les flammes et la fumée de l’hypocrisie eussent voilé ses nombreux accomplissements, dont celui de sauver la vie d’innombrables soldats alliés n’était pas le moindre.

L’érudition bien plus récente de gens comme Richard Overy, Frederick Taylor, Robin Neillands, David Hall, Chester Wilmot, Holmes et bien d’autres, ainsi que les voix et l’érudition provenant de l’intérieur de l’Allemagne, ont défié les critiques et les opposants de façon crédible et sûre en ce qui concerne l’efficacité et la moralité de la campagne en réévaluant les archives et autres principales sources matérielles. Toutefois, il y a encore des gens qui ne veulent pas croire ce qui s’est vraiment passé, qui font comme si la nouvelle érudition n’existait pas ou qui poursuivent leur propre programme en dépit de cela.

Le bombardement par les alliés du Troisième Reich et des autres pays de l’Axe entrait correctement dans le cadre de la stratégie militaire périphérique générale de la Grande-Bretagne. Il menait l’offensive chez l’ennemi depuis les premières étapes de la guerre, servant à démontrer à tous que la Grande-Bretagne et les dominions n’avaient pas l’intention d’acquiescer aux régimes totalitaires. Il offrait un ‘deuxième front dénué’ aux Soviétiques assiégés quand aucun autre engagement majeur, comme une campagne terrestre prématurée, ne pouvait être lancée.

Les lecteurs devraient remarquer que cette question se rapportait particulièrement à cela car, au début des années 1940, le souvenir du carnage systématique illustré par le front de l’Ouest en 1914-1917 était encore douloureusement clair dans les esprits. Et bien que la dernière année de la Première Guerre mondiale (1918) eut été beaucoup plus fluide et dynamique, les gens appréhendaient la perspective d’une autre situation où des armées terrestres énormes se trouveraient bloquées dans une impasse sanglante. Toutefois, les Soviétiques faisaient fortement pression pour un quelconque soulagement offensif et même les Américains, qui avaient accepté ‘l’Allemagne d’abord’ comme priorité militaire étaient particulièrement anxieux d’en finir avec la guerre européenne pour pouvoir concentrer ensuite les efforts des alliés contre les Japonais dans le Pacifique.

Il y avait une pression importante de ‘accélérer le régime’ d’une invasion en Europe du Nord-Ouest longtemps avant que les forces des Britanniques et des dominions se sentent prêtes à une telle entreprise. Ainsi donc, l’offensive de bombardement était, de bien des façons, la manifestation ultime d’une stratégie de ‘guérilla’, dans le cadre de laquelle l’ennemi était attaqué à travers ses périphéries, comme à travers sa capacité de production, quand le lancement d’une confrontation massive était inacceptable.

L’offensive du bombardement a aussi porté des coups importants à l’infrastructure économique et industrielle de l’ennemi, l’obligeant à décentraliser ses industries militaires, ce qui lui a coûté très cher en ressources, et cet impact était immense, comme l’était également le fait de faire perdre du temps à une immense main-d’oeuvre et d’engloutir du matériel rien que par respect du danger. En 1944, au moins 900 000 hommes, et un grand nombre de femmes et de jeunes, étaient nécessaires rien que pour servir les défenses anti-aériennes.

La défense du Reich nécessitait alors 81 pour cent des ressources en avions de chasse, presque 60 000 canons d’artillerie variés qui auraient autrement servi à beaucoup renforcer leurs forces terrestres, un cinquième de toutes les munitions produites, et un bon tiers du rendement du secteur de manufacture d’optiques de précision cruciales.

L’offensive a poussé les nazis à lancer des grandes campagnes de représailles qui n’ont pratiquement pas eu de conséquences, comme les programmes de fusées V-1 et V-2, alors que d’autres initiatives potentiellement gagnantes, comme une concentration opportune sur les programmes d’avions de chasse à réaction et à fusée, furent marginalisées. La décentralisation a donné lieu à d’importantes inefficacités, ainsi qu’à des tensions extraordinaires sur un réseau de transport vulnérable qui était déjà surchargé, le tout empiré par l’exigence conséquente que la direction de cette politique a causé à propos du besoin en produits pétrolifères, surtout quand les alliés aient commencé à prendre le pétrole prioritairement pour cible, en 1944.

Il a aussi obligé les nazis à atténuer certaines initiatives vraiment perturbantes dont le développement était très prometteur. Il s’agissait de leurs programmes militaires nucléaire, biologique et chimique, ainsi que l’achèvement opportun d’une nouvelle série de sous-marins, particulièrement ceux du Type XXI, océaniques, qui auraient encore pu faire du grabuge dans les voies maritimes alliées s’ils avaient été mouillés en grand nombre avant la fin de la guerre en Europe.

Finalement, l’offensive de bombardement a préparé le terrain, grâce à la destruction des défenses aériennes, des ressources pétrolifères et des réseaux de transport de l’ennemi, à une invasion réussie de l’Allemagne passant par l’Europe du Nord-Ouest en 1944.

Le bombardement a détruit pratiquement toutes les industries allemandes de coke, de ferro-alliage et de caoutchouc synthétique, 95 pour cent de ses capacités en carburant, en houille dure et en caoutchouc, 90 pour cent de sa capacité en acier, 75 pour cent de sa capacité de production de camions et 70 pour cent de sa production de pneus. Il a aussi donné lieu à d’immenses pertes dans la production d’avions et de véhicules blindés. Alors que sir Arthur Harris, qui était commandant en chef du Bomber Command pendant la plus grande partie de la campagne, a rechigné au début quand il s’agissait de concentrer les attaques contre des cibles pétrolifères, préférant ce qu’il croyait sincèrement être des objectifs du bombardement plus acceptables et profitables, il a fini par donner vigoureusement son appui à la campagne. Dans certains des cas, la contribution du Bomber Command à la campagne du pétrole a même dépassé les efforts que les Américains faisaient dans cette direction. Par exemple, durant les quatre premiers mois de 1945, le Bomber Command a largué 181 000 tonnes de bombes sur le Reich, un cinquième de ce qu’il a largué durant toute la guerre. Et pas moins de 47 510 tonnes (26,2 pour cent) étaient affectées à des cibles de pétrole. Les pénuries qui en ont résulté ont non seulement restreint les opérations de combats, elles ont aussi réduit le montant de carburant disponible pour l’entraînement.

Les détracteurs de la campagne continuent de suggérer que le bombardement n’a eu que bien peu d’effets jusqu’aux derniers stades de la guerre, faisant remarquer que la production d’avions de chasse et de chars d’assaut a augmenté en 1944 et 1945.

Toutefois, ces gens oublient que l’économie allemande et sa production industrielle, d’après les ordres d’Hitler, avait été relativement lente jusqu’à ce que la nation se mette sur un pied de ‘guerre totale’, lors de la défaite désastreuse à Stalingrad, au début de 1943.

Ce calendrier d’exécution coïncidait au début de l’offensive combinée du bombardement anglo-américain. Ce que les Allemands auraient pu accomplir, s’ils n’avaient pas été obligés de respecter le danger qu’était le bombardement, s’ils avaient pu utiliser et maîtriser leurs installations de production sans entraves, et s’ils avaient eu libre accès à leurs réseaux et systèmes de transport, dépasse l’imagination. Les augmentations de la production ont surtout été dues au travail de millions de manoeuvres esclaves, amenés de force des territoires occupés, et le contrôle de la qualité a énormément souffert durant les dernières étapes de la guerre, en partie à cause de la résistance passive et des ralentissements faits par exprès par cette main-d’oeuvre forcée, mais aussi à cause d’une pénurie de matériaux stratégiques causée par le bombardement. De toute façon, c’est sans importance car, sans le carburant pour leur permettre de voler ou de rouler, grâce à la priorité mise sur le bombardement des ressources pétrolifères à partir de 1944, ces autres avions et chars d’assaut étaient inutiles.

La campagne a aussi eu beaucoup de succès au minage de la Baltique de l’Ouest, obligeant la marine allemande à opérer presque exclusivement à partir de la Baltique de l’Est, et la forçant à affecter 40 divisions pour assurer et protéger le territoire environnant en Lettonie de l’Ouest, au golfe de Danzig et en Prusse-Orientale durant les derniers mois de l’avance des Soviétiques. En fin de compte, cela a servi à tenir occupé au moins un tiers des forces disponibles pour combattre l’armée rouge qui approchait, et ces forces n’ont pratiquement pas participé à la défense finale du territoire allemand.

Il est indéniable que le bombardement a fait beaucoup de victimes civiles. Je maintiens qu’environ 593 000 civils ont trouvé la mort rien que dans les territoires du Reich allemand à cause des bombardements, c’est-à-dire 410 000 civils allemands, 23 000 policiers non militaires et civils attachés aux forces armées allemandes, 32 000 étrangers et prisonniers de guerre et 128 000 personnes relogées. Toutefois, bien que ces chiffres soient importants, ils sont éclipsés par le génocide perpétré sur les peuples d’Europe et d’Eurasie par les Allemands et leurs représentants. Quant à l’argument récurrent que 75 millions d’Allemands ne voulaient pas la guerre d’Hitler, je peux répliquer en disant que cela ne sert guère à consoler les millions d’âmes qui ont été systématiquement exterminées dans les camps de la mort des nazis.

Le moral du public allemand était certainement bon durant les trois premières années de la guerre, quand les forces allemandes faisaient ce que bon leur semblait dans la plus grande partie de l’Europe et même en Asie. Pour faire contraste au bombardement allié, la Grande-Bretagne a perdu environ 65 000 civils à cause du bombardement aérien durant la guerre, dont 43 000 environ sont morts durant le blitz de 1940-1941.

Le fait que l’offensive du bombardement alliée ait obligé les Allemands à produire des avions de chasse de type défenseur principalement est une importante raison pour que le nombre de victimes britanniques n’ait pas été supérieur, car ils ne purent générer une grosse force de bombardement stratégique à long rayon d’action avant la fin de la guerre. Il y a encore une autre raison, c’est que les attaques de bombardement industriel de 1943 à 1945 ont beaucoup diminué l’efficacité prévue du programme de fusées V-1 et V-2, alors le nombre de victimes civiles a aussi été moins important.

Toutefois, que nul n’en doute : il y a beaucoup d’indications permettant de croire que l’Allemagne n’aurait pas eu de scrupule à propos de bombarder la Grande-Bretagne à fond si elle en avait eu les moyens. L’augmentation de l’importance de la production de chasseurs pour la défense de son territoire a aussi minimisé le soutien aérien disponible aux troupes allemandes combattant aux fronts. Ainsi, sans le bombardement allié, les forces allemandes auraient eu bien plus de protection et les forces alliées auraient été exposées à un bombardement allemand bien plus gros.

Quant à la critique souvent répétée, qu’un pourcentage démesuré des ressources militaires ont été dépensées par le Bomber Command, la première notabilité Richard Overy maintient que ce pourcentage était en fait bien petit. “Comparé au total de tout l’effort de guerre (production et combat), le bombardement n’a absorbé que sept pour cent, et en 1944-1945 il ne s’est élevé qu’à 12 pour cent. Vu qu’au moins une partie de la production a servi aux autres théâtres de la guerre (et autres commandements), dans l’ensemble les chiffres du bombardement direct de l’Allemagne étaient certainement plus petits. On ne peut pas vraiment dire qu’une allocation de ressources de sept pour cent de l’effort de guerre de la Grande-Bretagne soit déraisonnable.”

Il est certain que les aviateurs anglo-américains qui ont mené à bien la campagne ont enduré de grosses pertes, 81 000 d’entre eux ont péri avec les 18 000 aéronefs qui ont été perdus pour toutes sortes de raisons. La partie du Bomber Command était de 55 573 aviateurs et 12 330 aéronefs, dont 8 655 sont tombés en Allemagne, en Italie et en Europe occupée. Les coûts en victimes fatales pour le Canada étaient de presque 10 500 membres de l’Aviation royale du Canada dans les escadrons de la RAF, ainsi qu’un nombre important de Canadiens qui servaient en tant que membres de la Royal Air Force et que tout le monde a tendance à oublier.

En mai 1943, les affectations opérationnelles dans les bombardiers étaient codifiées à 30 opérations dans la force principale, suivies par un repos derrière les lignes d’environ six mois, et puis une deuxième affectation opérationnelle de 20 opérations de plus. La longueur des affectations était conçue pour offrir une ancre de veille pour le moral, et un certain espoir de survie dans des circonstances ardues. En fait, elles avaient été conçues cliniquement pour offrir une “possibilité de survie de 50/50”, et calculées d’après un prédicat de 2,4 pour cent de pertes par raid, mais seulement à la première affectation. Le taux moyen de pertes du Bomber Command durant la guerre s’est concrétisé à 2,58 pour cent par raid, ce qui garantissait presque cette “possibilité de survie de 50/50” au bout de 30 opérations.

L’expérience des équipages de bombardiers canadiens est bien plus enjouée, surtout parce que la plus grande partie de la participation du Bomber Command a eu lieu après la Normandie, quand le bombardement était le plus intense et que les pertes étaient les moins nombreuses. Mais 33 pour cent des Canadiens qui volaient dans les opérations du Bomber Command ont quand même fait partie des victimes, et plus d’une sur quatre de ces victimes fut mortelle.

Même en laissant les questions morales de côté, le camp allemand a reconnu depuis longtemps que la politique de bombardement régional, tel qu’il a eu lieu durant la Seconde Guerre mondiale, était tout à fait légale. En fait, ce n’est qu’en août 1948 que l’interdiction a été légiférée officiellement, quand la Convention de la Croix-Rouge sur la protection des civils en temps de guerre a été rédigée à Stockholm et puis signée à Genève au début de l’année 1949.

Et en réalité, la ratification légale et la reconnaissance de cette initiative n’a eu lieu que plusieurs décennies plus tard, quand le premier des quatre protocoles de la Convention de Genève de 1977 a interdit expressément les attaques militaires faites par exprès contre les civils.

Les victimes civiles, dont beaucoup étaient indubitablement innocentes, étaient un résultat inévitable de la campagne de bombardement, dont le mandat partiel déclaré publiquement était de déloger la population de travailleurs industriels ennemis et d’anéantir sa volonté de faire la guerre. En fait, à partir de 1943, sir Arthur Harris déclarait publiquement, ce sur quoi les gouvernements britannique et états-unien s’étaient mis d’accord, que : “l’objectif principal du Bomber Command sera la destruction progressive et le bouleversement du système militaire, industriel et économique allemand dans le but de saper le moral du peuple allemand au point où sa capacité de résister par les armes aura diminué fatalement”.

On doit aussi réaliser que bien que la boucherie délibérée de la main-d’oeuvre allemande n’ait jamais été commandée, on s’attendait certainement à des dommages collatéraux. La destruction des régions résidentielles avait pour but de rendre extrêmement difficile à cette main-d’oeuvre de poursuivre le travail. La propension occidentale de construire des zones résidentielles autour des installations industrielles a inévitablement augmenté le nombre des victimes.

Cette réalité fut aggravée encore plus parce que le Bomber Command, tel qu’il fonctionnait durant la Seconde Guerre mondiale, était ‘un instrument contondant’ avec bien peu de capacités de bombardement de précision. Même à son point de technologie la plus précise, le Bomber Command manquait des capacités de ciblage à grande précision comme en ont les plates-formes d’armes d’aujourd’hui.

Bref, les dommages collatéraux aux civils étaient considérés des annexes du bombardement. Les régimes totalitaires avaient fourni de nombreux exemples du bombardement régional civil avant le début de l’offensive du bombardement combiné de 1943 : Guernica, Nanking, Varsovie, Rotterdam, Londres et Coventry viennent tout de suite à l’esprit.

Les détracteurs de la campagne suggèrent erronément que les gouvernements alliés ont fait preuve de duplicité lorsqu’ils ont expliqué la campagne de bombardement à leurs citoyens. En fait, les sondages de l’opinion publique et même les affiches de propagande de l’époque pro vent que ces citoyens étaient tout à fait au courant du bombardement intentionnel des villes industrielles allemandes, et ils confirment que le bombardement jouissait d’un soutien public répandu. Il y avait en effet des opposants, surtout au début de la campagne de bombardement et parmi eux se trouvait Cosmo Lang, archevêque de Canterbury au début de la guerre, mais même lui a fini par se ranger avec les gens qui étaient en faveur de l’offensive du bombardement. Ils ont toujours été une très petite minorité.

D’autres mythes tenaces ont fait poursuivre le débat sur le bombardement stratégique. Parmi eux :

1. le bombardement de Dresden, les 13 et 14 février 1945, était un acte de destruction barbare et inutile contre une belle ville cultivée grandement éloignée de l’effort de guerre.

En fait, Dresden était un camp armé, un centre de communication et de transport vital, et un grand centre industriel où se trouvaient au moins 127 manufactures servant à la production militaire, y compris l’immense complexe Zeiss-Ikon où étaient employés plus de 14 000 personnes lors des raids de février. Et il y avait longtemps que le complexe Zeiss ne servait plus à fabriquer quelque chose d’aussi innocent qu’un appareil photos pour vacanciers. De plus, Dresden fut bombardé à la demande des Soviétiques qui menaient une offensive à environ 100 kilomètres à l’est et qui voulaient qu’on restreigne le transport de fournitures et de renforts ennemis vers leur front.

2. La politique de bombardement américaine avait pour prédicat une capacité de bombardement de précision mené en plein jour, au contraire des pratiques de bombardement régional hasardeux du Bomber Command qui avaient lieu la nuit au début et, par la suite pendant la guerre, jour et nuit.

En fait, le bombardement de précision américain n’était ni précis ni sélectif. De plus, des habiletés et un équipement spécialisé nouveaux ont amélioré la capacité d’attaques de précision par le Bomber Command durant les derniers 18 mois de la guerre, la période du plus grand effort de bombardement. Avant la fin des hostilités, le Bomber Command a démontré une plus grande précision la nuit et à travers les nuages que ce qu’accomplissaient les Américains les heures diurnes et dégagées.

3. Le moral des Allemands n’a pas baissé à cause du bombardement.

Faux. De dire l’historien allemand Götz Bergander : “en réalité, les raids aériens sur les villes et l’industrie a fait trembler la fondation du moral de guerre du peuple allemand. Il a ébranlé les nerfs à jamais, sapé leur santé et fait chanceler leur croyance en la victoire, modifiant ainsi leur conscience. Il a répandu la peur, le désarroi et le désespoir. C’était un résultat important et intentionnel de la guerre aérienne stratégique, de cette révolution militaire”. Il a aussi donné lieu à un manque de résistance dans les régions urbaines allemandes vers la fin des hostilités qui a sans aucun doute accéléré la reddition allemande et, en se basant sur les expériences, a sauvé nombre de victimes des deux côtés en évitant fréquemment la nécessité de l’âpre combat de maison à maison.

En général, l’offensive du bombardement stratégique a mené le combat chez l’ennemi. Il a créé un deuxième front qui enlevait des ressources à la campagne soviétique dans l’Est et qui détournait d’immenses quantités de matériel et de main-d’oeuvre des principales entreprises militaires de l’Allemagne. Il a porté des coups considérables à l’infrastructure industrielle allemande et préparé le terrain, grâce à la destruction des défenses aériennes, du réseau de transport et des ressources pétrolifères de l’Allemagne, pour l’invasion terrestre en Europe du Nord-Ouest de 1944, laquelle eut lieu quand les alliés se sont crus prêts à une si formidable entreprise.

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