S’achopper vers la guerre

Les bottes se désintégraient dans la boue, les fusils se coinçaient et il n’y avait pas suffisamment de camions ni d’obus pour l’artillerie. En outre, dans cette jeune nation qui allait en guerre régnaient la méfiance et le copinage.

La réponse du Canada à la Première Guerre mondiale a été immédiate, enthousiaste et d’une échelle sans précédent en aout 1914; toutefois, il y a eu beaucoup de faux départs et de mauvais tournants lors de son entrée à la guerre. Personne n’avait essayé de construire, réunir et équiper une force expéditionnaire d’une telle ampleur auparavant, et rares étaient les gens qui pouvaient prévoir les problèmes logistiques qui accompagneraient son déploiement outre-mer, sans parler de son soutien au front de l’ouest.

Des soldats à l entrainement à Valcartier. [PHOTO : LIBRARY OF CONGRESS—17228u]

Des soldats à l entrainement à Valcartier.
PHOTO : LIBRARY OF CONGRESS—17228u

Ainsi, la jeune nation qui, au milieu d’une vive controverse, avait envoyé des contingents combattre à la guerre d’Afrique du Sud (1899-1902), se préparait à envoyer une division de plus de 20 000 soldats rejoindre les forces britanniques en France, et elle prévoyait en envoyer encore plus par la suite.

Le premier contingent, formé de plus de 30 000 hommes, a traversé l’océan en octobre 1914 dans l’une des plus grandes armadas qui ait jamais quitté les rives canadiennes. Les Canadiens ont formé leur propre corps à la fin de 1915, une formation qui un an plus tard avait grandi à quatre divisions. L’ampleur de la contribution du Canada était, sans aucun doute, immense. Mais à quel point le pays était-il prêt à mener une guerre mondiale moderne en 1914?

Et qui étaient les premiers à se ranger sous les drapeaux?

Sam Hughes domine la scène nationale durant cette première partie de la narration concernant la guerre. En tant que ministre de la Milice et de la Défense depuis 1911, c’était déjà un personnage hors du commun qui avait travaillé sans relâche pour réformer la milice à un ministère dont le budget avait déjà été augmenté de manière significative depuis la guerre des Boers sous son prédécesseur, Frederick Borden.

Le ministre de la Milice et de la Défense, Sam Hughes. [PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA—C020240]

Le ministre de la Milice et de la Défense, Sam Hughes.
PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA—C020240

Hughes se plaisait à affronter les militaires de carrière de la force permanente (dont les effectifs étaient d’environ 3 000 hommes) qui formaient le noyau de la milice volontaire à temps partiel (plus de 70 000 hommes dans tous les coins du pays). Hughes, strictement sobre, tournait en dérision les réguliers comme étant des « tire-au-flanc de taverne » inutilement préoccupés par un « régime de défilés de garnison ». En ce qui le concernait, les libres-penseurs volontaires canadiens, s’ils étaient formés correctement, seraient bien supérieurs à leurs homologues de la force permanente, astreints qu’étaient ces derniers par des conventions et des traditions militaires archaïques.

C’est Hugues qui a mis de côté le plan de mobilisation qu’avait élaboré le personnel de la force permanente avant la guerre, optant plutôt pour appeler les bénévoles de partout au Dominion, par une sorte de levée de masse, à un camp qui n’existait pas encore à Valcartier, au Québec.

Hughes a obtenu des résultats — du moins au début. À la troisième semaine du mois d’aout, plus de 25 000 hommes s’étaient portés volontaires au service outre-mer. Un mois après, la taille du contingent avait augmenté à 33 000. La zone d’entrainement de Valcartier, près de Québec, avait pris forme rapidement, une grande étendue broussailleuse étant transformée en un vaste étalement de champs de tir et une agglomération de tentes.

Le contingent a vite mis le cap sur la Grande-Bretagne, où il est arrivé en octobre. Alors que la mobilisation procédait à une vitesse vertigineuse, il manquait aux troupes une grande partie du fourniment et de l’équipement dont elles avaient besoin pour mener une guerre totale moderne.

Des membres du premier contingent canadien à Valcartier, 1914. [PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA—PA022739]

Des membres du premier contingent canadien à Valcartier, 1914.
PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA—PA022739

Les volontaires

Qui étaient donc ces hommes qui se sont si vite enrôlés dans le premier contingent du Corps expéditionnaire canadien (CEC)?

La question n’est pas si simple, car l’identité nationale au début du XXe siècle n’équivaut pas exactement aux valeurs canadiennes de 2014. Au moins deux tiers des quelque 1 500 officiers du premier contingent étaient nés au Canada, mais dans les autres rangs, ce sont les gens qui avaient immigré au Canada, en provenance des iles britanniques, qui formaient cette même proportion. L’importance de ce rapport, deux tiers des simples soldats nés en Grande-Bretagne, est discutable puisque nous ne savons pas exactement depuis combien de temps ces hommes étaient arrivés au Canada. Compte tenu de l’afflux d’immigrants britanniques tout juste avant la guerre, il est pourtant possible qu’un grand nombre de ceux qui étaient d’origine britannique étaient adultes à leur arrivée au Canada.

Parmi les gens de ce groupe, ceux qui ont eu des temps difficiles dans leur nouveau pays n’étaient pas rares, car de nombreuses régions du Canada ont subi un ralentissement économique difficile durant les années d’avant-guerre. Sur le marché du travail, les embauchés les plus récents étaient souvent les premiers à se faire renvoyer. Il est probable qu’en ce temps-là, au moins une partie des volontaires d’origine britannique voulaient simplement un billet gratuit pour retourner à leur pays y recommencer leur vie.

Les hommes d’origine britannique ne sont pas les seuls parmi les nouveaux venus qui ont répondu à l’appel en 1914. Plus de trois millions d’immigrants étaient venus au Canada entre 1901 et 1921. Environ les deux tiers venaient du Royaume-Uni ou des États-Unis, mais bon nombre venaient d’autres pays européens. Daniel Tenaille, officier du 5e bataillon tué en mai 1915 près de Festubert, en France, était originaire de France. L’un de ses compatriotes, Raymond Brutinel, est le défenseur renommé de la mitrailleuse qui a commandé une unité de voitures blindées spéciales du CEC : l’Automobile Machine Gun Brigade.

Des « sujets d un pays ennemi » dans un camp d internement à Valcartier. Au moins 25 camps d internement et postes d accueil ont existé au Canada entre 1914 et 1920. [PHOTO : MUSÈE CANADIEN DE LA GUERRE—19990058-001]

Des « sujets d un pays ennemi » dans un camp d internement à Valcartier. Au moins 25 camps d internement et postes d accueil ont existé au Canada entre 1914 et 1920.
PHOTO : MUSÈE CANADIEN DE LA GUERRE—19990058-001

Alors, dans quelle mesure était-il « canadien », ce premier contingent ? Certes, une partie des hommes étaient canadiens autant de par les insignes qu’ils portaient sur leur uniforme, que de par leur attitude ou leur tempérament.

Les Canadiens de 2014 trouveront probablement un certain réconfort dans la composition multiethnique ou transnationale du premier contingent du CEC (bientôt appelé 1re Division). Après tout, ce sont ces hommes mêmes qui ont acquis une certaine notoriété relativement au relâchement de discipline durant l’hiver 1914-1915 sur la plaine de Salisbury, surtout en ce qui concernait les boissons fortes. Bien que Hughes ait insisté pour un régime sec dans les camps canadiens, les soldats trouvaient toujours à boire pendant leur temps libre dans les tavernes locales, ou bien ils prenaient une cuite lors d’une virée rapide mais mouvementée à Londres.

Les soldats de la 1re Division se sont rapidement forgé une réputation d’ivrognes bagarreurs, de voyous venus d’extrême occident pour donner une leçon bien méritée aux boches. Il y a là une certaine ironie, étant donné le nombre d’hommes de la division qui avaient grandi en Grande-Bretagne.

Le fusil Ross MK III fabriqué au Canada. [PHOTO : MUSÈE CANADIEN DE LA GUERRE—19440025-009]

Le fusil Ross MK III fabriqué au Canada.
PHOTO : MUSÈE CANADIEN DE LA GUERRE—19440025-009

Équiper les volontaires

Les armées modernes nécessitent un grand nombre de produits manufacturés et de fournitures pour exister, pour combattre. Le CEC ne faisait pas exception, mais en règle générale, les efforts du gouvernement du Canada n’ont pas suffi à équiper adéquatement les forces prévues pour l’étranger qui étaient en pleine expansion durant les premières phases de la guerre.

Les évaluations historiques de l’approvisionnement canadien pendant la Première Guerre mondiale se concentrent généralement sur l’infortuné fusil Ross. Hughes était un champion de cette arme qui avait été adoptée pour le service canadien par le gouvernement de Laurier une dizaine d’années avant la guerre. Alors que les faiblesses du fusil Ross ont été d’une triste évidence sur le champ de bataille en 1915 (l’arme avait tendance à s’enrayer lorsqu’on tirait rapidement), ce n’est certainement pas le seul élément du fourniment qui posait des difficultés.

Les bottes et les uniformes réglementaires fabriqués au Canada ne pouvaient pas résister aux rigueurs du service militaire et ils ont été remplacés en grand nombre par le ministère de la guerre avant que les soldats canadiens n’atteignent le front. L’officier britannique à la tête de la 1re Division, le lieutenant-général Edwin Alderson, a eu la sagesse de se débarrasser du harnachement canadien de type Oliver avant que la division ne parte pour la France, le remplaçant par le harnais à sangles modèle 1908 de loin supérieur qui était la norme dans l’infanterie britannique.

La bufflèterie Oliver, principalement en cuir, était mal conçue et inconfortable. La cartouchière volumineuse, par exemple, était malencontreusement située sur le dessus de l’estomac, ce qui rendait difficile de tirer couché. Le modèle amélioré émis en 1915 n’était guère meilleur. Dans un rapport d’essais accablant, un officier d’état-major canadien a observé qu’il « ne pensait pas que des hommes portant cet équipement puissent arriver à un champ de bataille en condition pour se battre, ni ne pourraient-ils soutenir une cadence de tir aussi bonne que celle qu’ils soutiendraient si leurs munitions étaient dispersées sur le corps ».

Des camions et des hommes attendent à une  installation de munitions, juin 1916. [PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA—PA000014]-000014

Des camions et des hommes attendent à une installation de munitions, juin 1916.
PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA—PA000014

Une répartition homogène et équilibrée de la charge était un atout majeur du harnais à sangles de modèle 1908, un assemblage entièrement ajustable en coton tissé comprenant des poches à cartouches accessibles, une bouteille d’eau, une pelle-pioche, un porte-baïonnette, et un paquetage. Il était bien en avance sur son temps et heureusement, il est resté la norme tout au long de la guerre pour la plupart des soldats canadiens à pied qui allaient au front.

Il était déjà clair en 1914 et au début 1915 qu’il faudrait un nombre immense de munitions pour l’artillerie durant le nouveau conflit. Le gouvernement du Canada, dans l’espoir de stimuler une économie en perte de vitesse au moyen de la production de guerre, a créé le Comité des obus pour administrer les contrats sous les auspices de Sam Hughes. La plupart des membres du comité étaient des amis de Hughes, et de façon prévisible, les conflits d’intérêts abondaient. Pire encore, les fabricants vendaient des produits défectueux, ou bien ils étaient incapables d’honorer les commandes à un moment où les Alliés étaient désespérément à court de munitions.

À partir de juin 1915, le Comité des obus n’avait reçu que 5,5 millions de dollars en munitions sur les 170 millions de dollars promis par les fabricants canadiens. Frustrés de ce grave déficit, les acheteurs britanniques passaient leurs commandes aux États-Unis plutôt qu’au Canada. L’argent est éloquent; le premier ministre Robert Borden était à l’écoute, et il décida de dissoudre le Comité des obus. Ce dernier a été remplacé par la nouvelle Commission impériale des munitions, et elle a fini par remettre la production canadienne sur la bonne voie. La valeur d’obus exportés par le Canada est passée de 5,5 millions de dollars en 1915 à presque 24 millions en 1917.

Une grande partie des munitions produites par le Canada est allée aux puissances alliées, mais il n’importait guère combien d’obus le Canada pouvait fournir à sa propre armée si la capacité de transport aux premières lignes des forces outre-mer n’était pas suffisante. Le gouvernement du Canada, au cours de la première partie de la guerre, a été incapable d’équiper le CEC d’un matériel de transport mécanique (TM) ou hippomobile fiable, en particulier les camions de trois tonnes dont l’importance pour la logistique relative aux champs de bataille a augmenté tout au long de la guerre.

Le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry sortent du terrain d expositions en défilant, à Ottawa, 1914. [PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA—C006258]

Le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry sortent du terrain d expositions en défilant, à Ottawa, 1914.
PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA—C006258

Avant le déclenchement des hostilités, la milice canadienne n’avait pratiquement pas de capacité de TM à proprement parler. La plus grande partie de l’approvisionnement aux camps d’entrainement d’été se faisait par des wagons tirés par des chevaux depuis des dizaines d’années. Les dirigeants de la milice avaient envisagé un système de subventions selon lequel le gouvernement effectuerait des paiements annuels aux civils exploitants des flottes de transport à moteur, et en échange, ils promettraient de mettre leurs véhicules à la disposition des forces armées en temps de guerre. Cependant, un tel système était impraticable au Canada d’avant-guerre, car il n’y avait tout simplement pas assez de camions lourds utilisés pour les livraisons. Cela voulait dire que le gouvernement devrait acheter des véhicules de transport déjà sur le marché pour le premier contingent, et cela sans perdre de temps.

Une division des forces expéditionnaires britanniques typique en 1914 avait 165 véhicules à moteur, dont plus de 150 étaient des camions de diverses tailles (130 d’entre eux étaient de trois tonnes). Au déclenchement de la guerre, Sam Hughes a nommé T.A. Russell, un collègue conservateur propriétaire de la Canada Cycle and Motor Company et président de la Russell Motor Car Company, pour qu’il achète des véhicules, sans restriction de provenance, pour le premier contingent.

Russell a commandé plusieurs voitures à la Russell Motor Car, ainsi qu’environ 50 camions américains de modèle White, Jeffrey, ou Kelly-Springfield. Il avait un intérêt personnel dans les deux transactions en tant que président de Russell Motor Car et en tant qu’agent de vente canadien de Jeffrey et de Kelly-Springfield. Vu le grand nombre de protestations faites par le public, il y a eu une Commission royale d’enquête, laquelle a jugé que Russell n’avait pas agi de manière inappropriée. Les libéraux pensaient autrement, et ils ont présenté aux Canadiens une litanie de méfaits des conservateurs, accusant le gouvernement de complicité concernant le prélèvement de « millions de dollars » au moyen de sa gestion des contrats de guerre.

Lorsque la 1re Division est arrivée en Angleterre, son matériel comprenait cinq marques de camion (White, Jeffrey, Kelly-Springfield, Gramm, et Peerless) totalisant environ 160 machines. La force de transport de la division était peut-être suffisante en théorie, mais en pratique, pas du tout. Il y avait trop de marques différentes en service, pas assez de pièces de rechange, et certains modèles n’étaient pas à la hauteur pour ce qui est de la logistique du champ de bataille. Les fortes précipitations sur la plaine de Salisbury au cours de l’hiver 1914-1915 n’ont pas facilité leur entretien non plus.

Voitures automobiles Russel exposées au début des années 1900. [PHOTO : BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE DE TORONTO]

Voitures automobiles Russel exposées au début des années 1900.
PHOTO : BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE DE TORONTO

Sur les cinq marques de camions expédiés en Grande-Bretagne pour la 1re Division, il n’y en a que trois qui sont réellement allés en France. Les autres ont été retenus en raison de la mauvaise qualité relative à l’entretien, mais aussi pour compenser les pénuries graves dans le deuxième contingent envoyé à l’étranger (la 2e Division). Pour lors, le ministère de la Guerre a compensé l’écart, quelque 50 camions, à partir de ses propres réserves pour terminer la formation de la 1re Division sur le terrain. Sam Hughes était contrarié par les substitutions, insistant comme toujours que tout équipement que le gouvernement canadien fournissait à ses troupes était certainement le meilleur qui se puisse avoir. Alderson, commandant de la 1re Division, savait mieux que personne ce qu’il en était vraiment, et il cherchait partout des véhicules utilisables.

L’équipement de la 1re Division n’était certainement pas le meilleur, mais celui de la 2e Division ne lui était guère supérieur en 1915. Alors que les troupes de la nouvelle division arrivaient à l’étranger, les autorités militaires canadiennes situées en Angleterre ne savaient pas du tout si le TM du Canada avait été envoyé, ou s’il fallait se le procurer ailleurs. Personne dans le ministère de Hughes n’avait trouvé le temps de répondre aux questions répétées sur ce point essentiel.

En juin 1915, encore, deux mois avant de quitter l’Angleterre pour le front, il manquait des véhicules à la 2e Division. Hughes avait promis à maintes reprises que les camions seraient « expédiés dans une semaine ou deux », mais ils n’arrivaient jamais, semblait-il. Ils faisaient cruellement défaut, même quand la division restait en cantonnement. Comme l’a fait remarqué l’un des officiers d’état-major de la division, Hughes était responsable des livraisons de vivres et de fournitures pour quelque 18 000 hommes et 2 000 chevaux dans la région d’entrainement de Shorncliffe, mais seuls 20 camions, empruntés aux Britanniques, étaient disponibles pour tout ce travail. Il était presque impossible d’alimenter tous les soldats avec si peu de véhicules. En aout, il manquait encore près de 70 véhicules à la division. On ne pouvait guère faire autrement qu’emprunter d’autres camions au War Office de Grande-Bretagne, une décision impopulaire à Ottawa.

Navires transportant le premier contingent de l autre côté de l Atlantique, octobre 1914. [ILLUSTRATION : MUSÈE CANADIEN DE LA GUERRE—19710261-0791]

Navires transportant le premier contingent de l autre côté de l Atlantique, octobre 1914.
ILLUSTRATION : MUSÈE CANADIEN DE LA GUERRE—19710261-0791

Pourquoi le gouvernement canadien a-t-il eu tellement de difficultés relativement à l’acquisition de matériel? En grande partie parce qu’il ne pouvait se procurer les types de camions dont il avait besoin qu’aux États-Unis, et les constructeurs américains étaient submergés de commandes. Mais il y avait d’autres inefficacités qui ne résultaient que de considérations politiques canadiennes dans le système, comme la réticence à supprimer les intermédiaires canadiens qui servaient d’agents de vente aux constructeurs d’automobiles états-uniens.

Une partie de la solution était d’enlever la responsabilité de l’acquisition de matériel de guerre à Hughes. Un nouveau comité d’acquisition de matériel de guerre a été créé sous sir Edward Kemp, ministre de confiance au cabinet de Borden.

Dans la course folle pour fournir des véhicules à moteur aux premiers contingents, le gouvernement a permis aux officiers et aux hommes de transporter leurs propres véhicules de l’autre côté de l’océan ou d’en acheter là-bas. Les soldats canadiens qui offraient leurs machines pour l’usage militaire officiel le faisaient « à titre gracieux », mais il était entendu que le gouvernement canadien paierait le carburant et l’huile, ainsi que l’entretien quotidien et les réparations : un engagement financier non négligeable.

Certains des soldats canadiens des deux divisions ont sauté sur l’occasion de posséder et de conduire un véhicule privé aux dépens du public. Dans les camps de l’armée largement espacés dans le sud de l’Angleterre, être propriétaire d’un véhicule équivalait à la liberté et à du prestige pendant les permissions. Bien sûr, les membres du CEC qui offraient leur voiture ou leur motocyclette maintenaient que tout cela était dans l’intérêt du public, mais le projet s’est avéré de peu de valeur au point de vue militaire. En réalité, l’entretien d’une collection hétéroclite de véhicules privés était un casse-tête couteux, et la plupart des soldats étaient beaucoup plus intéressés par une moto ou une voiture qu’ils auraient à disposition pendant les fins de semaine ou les soirs de « virée » que par le bien de l’effort de guerre. La politique a été peu à peu abandonnée alors que la guerre s’intensifiait en 1916.

Au cours de la décennie qui s’était passée entre la guerre d’Afrique du Sud et l’appel aux armes de 1914, les Canadiens avaient eu un regain d’intérêt pour les affaires militaires. Il y avait alors un excédent de volontaires, même si la plupart d’entre eux n’étaient pas nés au Canada. Mais quel que soit l’endroit d’où ils étaient venus, les hommes du premier contingent ont dû apprendre de dures leçons lors de leurs premières batailles : une réalité qui s’est manifestée aux soldats de toutes les armées à une guerre mondiale qui a consommé des millions de vies.

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