Souvenir Royal

La mère de la Croix d’argent Della Morley bavarde avec le prince Charles, flanquée de la gouverneure générale Michaëlle Jean (à g.) et de la duchesse de Cornwall. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

La mère de la Croix d’argent Della Morley bavarde avec le prince Charles, flanquée de la gouverneure générale Michaëlle Jean (à g.) et de la duchesse de Cornwall.
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C’est la première fois qu’Arthur Dewar de London (Ont.), âgé de 91 ans, porte ses médailles, et c’est la première fois qu’il assiste à la cérémonie nationale du jour du Souvenir à Ottawa. Personne ne lui a jamais serré la main pour le remercier de son service pendant la guerre. Du fait, c’est le prince de Galles qui est le premier à le faire.

« Il m’a remercié. Oh, mon dieu, je ne sais quoi dire, » dit Dewar, qui a servi dans la 43rd General Transport Company pendant la Seconde Guerre mondiale, en Sicile et ailleurs en Italie, puis en Europe du Nord, à la fin de la guerre.

À la fin de la cérémonie nationale Dewar fait partie de la dizaine d’anciens combattants qui sont reçus par les dignitaires, dont le prince Charles et son épouse Camilla, duchesse de Cornwall. Il y a aussi, parmi ces anciens combattants, Don Sheardown d’Ottawa, pilote du 429e Escadron à la Seconde Guerre mondiale. « Je suis membre du Caterpillar Club, dit-il, car j’ai sauté en parachute quand on s’est fait abattre et j’ai survécu. » Il y a également le caporal-chef cul-de-jatte Paul Franklin d’Edmonton, et sa famille, dont un fils de 10 ans, Simon. Franklin a été blessé en 2006, lors d’un attentat suicide à la bombe, en Afghanistan. Ron Wills, membre depuis 60 ans de la filiale Galt de Cambridge (Ont.) est là aussi, qui vient tous les ans en souvenir de ses nombreux camarades qui ont péri en service dans les Princess Louise Dragoon Guards, en Europe, pendant la Seconde Guerre mondiale.

La 90e cérémonie nationale du jour du Souvenir est solennelle et digne, et sa familiarité réconforte. Mais c’était aussi une journée de premières : la première fois que le prince était là et la première fois que la gouverneure Michaëlle Jean, commandante en chef des Forces canadiennes, assistait à la cérémonie en uniforme vert de l’armée.

Une foule plus grosse que jamais s’avance pour mieux voir le Monument commémoratif de guerre du Canada après le service du 11 novembre. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

Une foule plus grosse que jamais s’avance pour mieux voir le Monument commémoratif de guerre du Canada après le service du 11 novembre.
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Sous un ciel brillant, le soleil conquérant le froid peu à peu, une foule record, qui d’après les organisateurs était composée d’à peu près 55 000 personnes, applaudissait les dignitaires à leur arrivée, mais elle a réservé ses applaudissements les plus forts pour la mère de la Croix d’argent, Della Marie Morley de East Saint Paul (Man.). Son fils, le caporal Keith Ian Morley, de la Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, avait été tué, à l’âge de 30 ans, en même temps que trois de ses collègues, lors d’un attentat suicide à la bombe, perpétré par un cycliste en Afghanistan le 18 septembre 2006.

Tout le monde faisait face au Monument commémoratif de guerre du Canada où, pendant toute la cérémonie, cinq sentinelles représentant l’armée, la marine, l’aviation, la Gendarmerie royale du Canada et les Nursing Sisters étaient de garde, la tête baissée et le fusil renversé. Les dernières notes de la dernière sonnerie vibraient encore quand a tonné le premier coup de la salve de 21 coups d’artillerie et puis le funeste glas de la Tour de la Paix a annoncé le début du silence; un silence qui s’est terminé quand a tonné le deuxième coup de canon suivi par la complainte et par la diane.

Le président national Wilf Edmond a fait une pause pour le défilé aérien honorifique du 425e Escadron d’appui tactique de la BFC Bagotville (Qc), et a continué de lire l’Acte du souvenir, qui a été répété en français par le grand président honoraire de la Légion et général à la retraite Charles Belzile et puis, en cri, par la capitaine Catherine Askew, aumônière des Forces canadiennes.

Le brigadier-général et révérend David Kettle, aumônier général des Forces canadiennes, a prié pour ceux qui ont servi en « ces temps terribles de grand conflit », pour les membres des Forces armées pour qui ces souffrances ne sont pas des souvenirs, mais une réalité actuelle, pour ceux qui ont été tués en Afghanistan, et pour les familles « qui vivent chaque jour avec un siège inoccupé aux repas ».

Les voix du Chœur des enfants d’Ottawa ont chanté les mots du Champ d’honneur pendant que le groupe vice-royal déposait des couronnes devant la Tombe du Soldat inconnu : la gouverneure générale d’abord, puis le prince Charles. C’est de la part de toutes les femmes qui ont perdu un enfant au ser­vice du pays que la mère de la Croix d’argent a déposé sa couronne. Ensuite sont venus le premier ministre Stephen Harper, le président du Sénat, Noël Kinsella, le président des Communes, Peter Milliken, le ministre des Anciens combattants, Greg Thompson, et le général et chef d’état-major de la défense, Walter Natynczyk.

le président national de la Légion Wilf Edmond au salut pendant la cérémonie. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

le président national de la Légion Wilf Edmond au salut pendant la cérémonie.
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Les gagnants séniors des concours littéraires et d’affiches de la Légion — Sam Loewen de Lethbridge, en Alberta, âgé de 18 ans (affiche en couleurs), ­Natalie Lloyd de Guelph, en Ontario, âgée de 18 ans (affiche en noir et blanc), Stephanie Adams de Newport, en Nouvelle-Écosse, âgée de 17 ans (composition), et Hailey Cervo de Nobleford, en Alberta, âgée de 17 ans (poésie) — ont déposé une couronne de la part de la jeunesse canadienne.

Les lauréats des prix du Cadet de l’année de la Légion, dont la cadette de la marine maitresse de première classe Anastasia Burtnick de Winnipeg (Man.), le cadet de l’armée adjudant Maxime Charron de Victoriaville (Qc) et le cadet de l’aviation sergent de section Jonah Todd de Whitehorse (Yn), faisaient partie des porteurs de couronne.

Le premier ministre Stephen Harper salut les anciens combattants. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

Le premier ministre Stephen Harper salut les anciens combattants.
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Le président national Edmond a déposé une couronne de la part de la Légion royale canadienne, qui a ensuite été entourée par les dizaines de couronnes qu’ont déposées les représentants du corps diplomatique, les dignitaires, les associations d’anciens combattants et les autres associations.

Ces gestes commémoratifs sont « un principe sacré […] une obligation irrévocable, permanente », dit le rabbin Reuven Bulka, aumônier honoraire de la Direction nationale, lors de la bénédiction. « Quand on voit nos anciens combattants, on voit le tout meilleur du Canada […] ceux qui sont allés à la guerre pour nous, qui ont tout lâché et risqué leur vie afin d’élimi­ner la tyrannie et défendre la liberté; ce sont des héros de classe mondiale [qui] méritent qu’on les célèbre, qu’on les louange, qu’on les vénère et qu’on les applaudisse.

L’ancien combattant John Sheardown (à g.) et le caporal-chef Paul Franklin. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

L’ancien combattant John Sheardown (à g.) et le caporal-chef Paul Franklin.
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« Que ceux qui ont trouvé la mort soient commémorés avec amour. Que ceux qui ont été blessés soient guéris dans le corps et dans l’esprit. Que ceux qui ont servi et qui servent actuellement puissent passer leur vie dans un monde libre de terreur et en toute quiétude, poursuivait-il. Nous qui bénéficions des actes de nos héros ne pouvons mieux les remercier qu’en nous tenant prêts à préserver les valeurs qu’ils continuent de défendre, en nourrissant une culture de respect, d’harmonie, d’inclusion, qui embrasse tout le Canada; un grand pays qui mérite leurs grands sacrifices. »

Après le service, le groupe vice-royal a salué les anciens combattants et s’est dirigé vers la rue Wellington, au nord du Monument commémoratif de guerre du Canada. Là, ils ont observé le défilé des anciens combattants, des Forces cana­diennes, de la Gendarmerie royale du Canada et des cadets. Ensuite, acclamés par la foule, le prince Charles et la duchesse de Cornwall sont partis en limousine.

Des élèves officiers du Collège militaire royal du Canada. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

Des élèves officiers du Collège militaire royal du Canada.
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Les barricades ont alors été enlevées, une heure après le début de la cérémonie officielle, pour laisser les milliers de témoins s’approcher du Monument. Certains ont attendu leur tour patiemment et respectueusement pendant plus d’une heure et puis ils ont déposé un coquelicot, une couronne personnelle ou un souvenir sur la Tombe du Soldat inconnu. Il y en a qui étaient venus pour honorer ceux qui servent, d’autres pour commémorer ceux qui ont servi et qui ont fait des sacrifices, et d’autres encore afin de dire merci pour leur liberté.

Shirley Monkhouse et Mary Stuart en faisaient partie, deux amies de Kanata (Ont.) qui ont apporté des bouquets de fleurs et des souvenirs. « Mon oncle, Francis Hunter Dupont, a rendu l’âme, dit Monkhouse. Ceci, c’est en son honneur. » Dupont, d’Ottawa, avait pris part au jour J. Stuart est là pour honorer son père, qui est parti outre-mer en 1939, quand sa sœur était bébé et cette dernière avait six ans quand il est revenu. Étant donné qu’elle ne savait pas encore lire, il lui envoyait des dessins dans ses lettres.

Le président national de la Légion Wilf Edmond dépose une couronne avec l’aide du commander du district G de l’Ontario, Ron Goodwin. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

Le président national de la Légion Wilf Edmond dépose une couronne avec l’aide du commander du district G de l’Ontario, Ron Goodwin.
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Dave Conkin et Betty Woods des amis à la retraite de Winnipeg, sont venus réali­ser un rêve. Woods retient ses larmes en se rappelant son père, qui est resté au pays malgré lui quand ses amis sont partis en guerre. L’un d’entre eux, vétéran de Hong Kong, en est revenu changé à jamais. « Mon père devait aller le calmer parce qu’il avait des récurrences horribles. »

« Je viens (à la cérémonie nationale) depuis des années », dit Douglas Lapierre de Hull (Qc). Ses grands-pères ont servi à Passchendaele, à la Somme et à d’autres endroits en France. Mais il est là aussi pour honorer les membres des Forces cana­diennes d’aujourd’hui qui continuent de défendre la liberté du Canada. « Il y a encore des gars qui ont été tués en Afghanistan. C’est un temps de tristesse, mais aussi un temps pour célébrer leur vie et ce que nous avons (grâce à leurs sacrifices). »

Des cadets de l’Aviation royale du Canada. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

Des cadets de l’Aviation royale du Canada.
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Ce n’est pas la première fois qu’Adam Mackenzie de Behchoko (T. N.-O.) vient à une cérémonie nationale, mais c’est la première fois qu’il vient à la cérémonie du jour du Souvenir. « Je ne venais pas avant, dit-il. Mais dorénavant, c’est sûr que je vais venir. »

Le service, le sacrifice et le souvenir sont des valeurs dont les participants ont beaucoup parlé comme prélude à la cérémonie. En effet, honorer le sacrifice était le thème du discours d’Edmond à la cérémonie où il a présenté la mère de la Croix d’argent, au cimetière Beechwood d’Ottawa, le lundi d’avant le jour du Souvenir. « La présence de la mère de la Croix d’argent […] qui représente toutes les femmes du Canada, celles d’hier et celles d’aujourd’hui, qui ont perdu des enfants pour la liberté », est inévitable à la cérémonie nationale, dit-il.

« Nos enfants sont nos héros », disait Morley le lendemain, après la visite à la Chapelle du Souvenir, à la Tour de la Paix de la Colline du Parlement, où elle avait vu le nom de son fils dans le Livre du Souvenir et où on lui avait remis une copie encadrée de la page. Elle était accompagnée par des membres de sa famille : sa fille Shannon et son petit-fils Keith Cole McCaffrey, qui est né sept mois après la mort du caporal Morley et dont le nom a été choisi en son honneur.

Les gagnants des littérature et affiches (de g. à d.) Hailey Cervo, Sam Loewen, Stephanie Adams et Natalie Lloyd déposent une couronne avec l’aide du cadet de l’Armée de l’année, l’adjudant Maxime Charron. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

Les gagnants des littérature et affiches (de g. à d.) Hailey Cervo, Sam Loewen, Stephanie Adams et Natalie Lloyd déposent une couronne avec l’aide du cadet de l’Armée de l’année, l’adjudant Maxime Charron.
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Son fils, ceux qui ont servi et ceux qui servent encore, le font « pour tenir l’ennemi à l’écart, dit-elle. J’ai parlé à d’autres personnes qui ont perdu un enfant; nous sommes tous fiers de nos enfants, qui sont des héros à nos yeux.

« J’aimerais que les gens se souviennent de mon fils en tant que Canadien ordinaire et en tant que héro », dit-elle. Elle a été encouragée, dernièrement, en regardant, en ligne, la page commémorative où est honoré son fils. Un jeune homme, Nathaniel, y avait affiché un commentaire. « Je ne sais pas quel âge il pouvait avoir, mais il a écrit “Je suis en train de faire des recherches sur ta vie”. » Elle est fière du legs de son fils. « Mon fils continue d’inspirer d’autres jeunes gens. »

Des membres du Chœur des enfants d’Ottawa. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

Des membres du Chœur des enfants d’Ottawa.
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Le service, le sacrifice et le souvenir sont des valeurs caractéristiques du Canada, disait le secrétaire national de la Légion, Brad White, à un dîner donné  mardi en l’honneur de la mère de la Croix d’argent, des cadets et des étudiants. « On n’en parle plus, de servir, dit-elle. Les gens ne parlent pas de servir leur pays, de servir leur collectivité, de servir l’huma­nité. » Mais c’est une valeur qui sert de lien entre les générations : dans la même pièce se trouvaient des anciens combattants qui ont servi à la guerre, d’autres qui ont servi aux opérations de la guerre froide et de maintien de la paix et d’autres qui servent encore, ainsi que des représentants de la jeunesse, la génération « de l’espoir et de l’innocence ».

« Nous servons ceux qui ont servi, dit-elle et « nous sommes fiers de reconnaitre les sacrifices qui ont été faits pour nous. »

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