Au nom de la bravoure

Il n’a pas fallu longtemps à la Légion royale canadienn pour s’établir aux yeux de la collectivité de Kanata, dans la banlieue ouest d’Ottawa. La Maison de la Légion, le tout nouveau siège national de l’organisation, a ouvert ses portes officiellement en septembre et puis, le 1er décembre, la circulation a été stoppée le long d’une des artères les plus occupées à l’occasion d’une cérémonie en l’honneur du Pont de la bravoure nouvellement baptisé.

Le Pont de la bravoure est une belle passerelle qui traverse quatre voies de la route transcanadienne, que les gens de la capitale nationale appellent le Queensway. Auparavant, le pont n’avait ni identité distincte ni signification spéciale.

Toutefois, la signification du pont a changé de façon remarquable en décembre quand on lui a donné un nom et qu’on y a apposé 16 plaques servant à relater d’importantes batailles et campagnes de l’histoire militaire canadienne. Ces noms du passé militaire du Canada retentissent sur chaque plaque avec le nombre de récipiendaires de la Croix de Victoria reliés à chaque période indiquée.

La transformation du pont a vraiment commencé en février 2005 quand le Conseil exécutif national a voté de vendre son vieil édifice au centre-ville d’Ottawa et de construire une nouvelle Maison de la Légion. Le comité de l’édifice, présidé par le président sortant d’alors Allan Parks, s’était penché sur la possibilité de remettre à neuf le siège social de la rue Kent vieux de 50 ans ou d’en faire construire un nouveau spécialement.

La réfection du vieil édifice aurait coûté plus de 3 millions de dollars, et l’espace au centre-ville était bien supérieur à celui dont la Légion avait besoin. Trouver des locataires pour occuper des parties de l’édifice que la Légion n’utilisait pas s’était aussi avéré quelque peu ardu.

Le nouvel édifice abriterait exclusivement la Direction nationale et le bureau d’un agent d’entraide de la Division de l’Ontario basé à Ottawa. Le nouvel espace règlerait les défauts du vieil édifice et il y aurait un grand entrepôt pour les approvisionnements ainsi qu’une salle pouvant accueillir le Conseil exécutif national. Le site à Kanata était bien logique parce qu’il était facile d’accès par le Queensway et qu’il y avait un hôtel situé commodément du côté nord du pont, ce qui offrait une marche relativement aisée ou une petite promenade en voiture jusqu’à la Maison de la Légion située du côté sud du pont.

Le concept de Pont de la bravoure a été articulé par le secrétaire national Duane Daly durant la construction de la Maison de la Légion. “Le pont venait d’être terminé. Vous pouvez voir que c’est un beau pont pour les piétons et les véhicules”, dit le secrétaire national.

“J’ai pensé : nous sommes en train de construire ici et nous venons de commémorer l’année de l’ancien combattant en 2005.

En plus, la Légion célébrait son 80e anniversaire en 2006. Il fallait faire quelque chose de spécial.”

La proposition de baptiser le pont comme moyen d’établir un mémorial permanent aux alentours de la Maison de la Légion fut faite au comité de l’édifice. “La première idée était de le nommer pont de la Victoire. Nous afficherions tous les grands succès militaires du 20e siècle”, dit le secrétaire national. “Ensuite nous avons changé le nom à Pont de la bravoure afin de mieux souligner le sacrifice et l’engagement des anciens combattants eux-mêmes. Cela nous permettait aussi d’ajouter les nombreuses Croix de Victoria.”

Le secrétaire national nous explique que la Légion avait appris à négocier avec divers gouvernements lors du projet de la Tombe du Soldat inconnu. Pour lancer le projet de la tombe, la Direction nationale avait reçu l’autorisation de dépenser jusqu’à 500 000 $ si personne d’autre ne donnait son appui. À propos de la dédicace du pont, le secrétaire national dit que la Légion a dû montrer à la mairie d’Ottawa la contribution qu’elle était prête à faire. “Le projet a d’abord été présenté au Comité sous-exécutif national qui a permis de dépenser jusqu’à concurrence de 25 000 $, prélevés au budget du 80e anniversaire. Nous espérions que la municipalité doublerait ça, ce qui nous donnerait 50 000 $ pour le projet. La réponse du conseil municipal a été enthousiaste.”

La conseillère Peggy Feltmate, qui représente Kanata Sud, où est située la Maison de la Légion, a trouvé l’idée intéressante. Kanata fait partie de la ville d’Ottawa depuis la fusion qui a assemblé nombre de collectivités avoisinantes, en 2000. “La région a grandi durant les derniers 10 à 15 ans. Quand j’ai emménagé à Kanata, en 1983, il y avait 20 000 habitants. Aujourd’hui, on en compte 70 000”, dit Feltmate. “Avec la fusion, d’aucuns ont parlé de nommer les ponts en l’honneur des anciennes municipalités.”

Mais aucune décision n’avait été prise.

Feltmate dit qu’elle a d’abord fait part de l’idée de la Légion aux officiels des services de la ville. “Toutefois, ils ont répondu qu’ils ne pouvaient pas prendre une telle décision”, dit-elle. “Je pense que ça s’est fait rapidement parce que nous avons dû la présenter au conseil.” Le conseil a voté la motion d’accepter la proposition le 11 octobre.

“Les fonds ont été trouvés pour le projet parce que nous avons une politique selon laquelle un pour cent des coûts de construction devraient être alloués à des oeuvres d’art ou à la commémoration. C’est un beau pont”, dit Feltmate. “C’était une excellente idée.”

Le pont, construit en 2003, a été conçu pour accueillir non seulement les chauffeurs mais les cyclistes et les piétons sur les trottoirs larges. “C’est un pont artériel. C’est le premier pont de cette grandeur qui a été construit à Ottawa depuis 20-22 ans”, dit Wade Clouthier, le gérant des services de construction pour le développement de la ville d’Ottawa. “C’est un des rares ponts qui ont une enjolivure architecturale, avec ses trottoirs larges de cinq mètres d’un côté et de deux mètres de l’autre. Aucun autre pont n’a d’obélisques à ses extrémités comme ceux qu’a celui-ci.”

Clouthier dit qu’environ 17 500 véhicules traversent le pont chaque jour. “Il y en a environ 2 200 par heure durant les heures de pointe.”

“C’est aussi un des rares ponts à Ottawa qui ont un nom. La plupart sont nommés en l’honneur de la rue à laquelle ils aboutissent”, dit Clouthier. Disant que les ponts Mackenzie King et Dunbar sont deux des rares ponts de la ville qui ont un nom autre que celui de la rue qu’ils desservent, il explique qu’un pont doit “avoir les enjolivures architecturales avant que la ville envisage de lui donner un nom. Ce n’est pas une politique. C’est simplement la façon que les choses se sont passées.”

Le secrétaire national dit que la ville d’Ottawa était très impressionnée que la Légion ait réussi à mener le projet avec des ressources internes. Une grande partie des recherches originales concernant les plaques ont été faites par Mac Johnston qui était alors éditeur et directeur général de la revue Légion. La précision des plaques a été vérifiée par Stephen Harris, l’historien en chef de la Direction–Histoire et patrimoine du ministère de la Défense nationale.

La gestion de la conception et de la production des plaques a été confiée à Jennifer Morse qui était directrice artistique de la revue et qui en est actuellement directrice générale. Les plaques ont été coulées par Behrends Bronze Inc., une société basée à Edmonton. Sur chaque plaque sont inscrits une référence temporelle ou une date, des batailles décisives et le nombre de Croix de Victoria canadiennes qui ont été décernées. Les plaques décrivant les événements mesurent quatre pieds sur deux et les lettres, ainsi que le cadre qui l’entoure, sont en relief.

La première plaque de la série concerne la guerre d’Afrique du Sud, 1899-1902.

Les noms de Paardeberg, Mafeking, la rivière Modder et Liliefontein y figurent, ainsi que la note que cinq Croix de Victoria on été décernées.

La Première Guerre mondiale est représentée par trois plaques. La première est celle de 1914-1916. Ypres, Saint-Julien, Festubert, la Mésopotamie, la Somme et Beaumont Hamel y figurent, ainsi que 11 Croix de Victoria. La seconde est celle, de 1917, où se trouvent Vimy, la colline 70, Passchendaele et Arras, ainsi que 24 Croix de Victoria. La troisième plaque de la Grande Guerre concerne 1918. Les noms de Flandres, Palestine, Amiens, Scarpe et Cambrai y sont inscrits, ainsi qu’une note déclarant que 37 Croix de Victoria ont été décernées.

Huit plaques concernent des batailles de la Seconde Guerre mondiale. La première est un hommage à la Bataille de l’Atlantique qui a duré toute la guerre, de 1939 à 1945, et une Croix de Victoria y a été décernée. L’implication du Canada à toute la guerre en mer est commémorée à la plaque suivante qui comprend l’océan Atlantique, la Manche, le St-Laurent, la Méditerranée, le Pacifique et l’océan Indien, et deux Croix de Victoria y sont associées.

Cette plaque est suivie par la guerre aérienne de 1940-1945, en Europe, en Méditerranée et en Extrême-Orient, avec ses deux Croix de Victoria.

L’implication du Canada à la Bataille d’Angleterre, l’Extrême-Orient et Dieppe suivent avec une plaque chacun. Deux Croix de Victoria ont été décernées en Extrême-Orient et à Dieppe. L’Italie, 1943-1945, a une plaque commémorant la Sicile, la rivière Moro, Ortona, Anzio, la vallée de la Liri, la ligne Gothique avec trois Croix de Victoria et l’Europe du Nord-Ouest, 1943-1945, est commémorée avec le jour J, Falaise, Scheldt, les rives du Rhin et les Pays-Bas, et quatre Croix de Victoria.

De la Seconde Guerre mondiale, nous passons à la guerre froide, 1946-1989, où sont commémorés l’Amérique du Nord, l’Europe, l’Atlantique et le Pacifique.

La guerre de Corée, 1950-1953 a sa propre plaque, honorant Kapyong, Chail-li, Chorwon, la colline 355 et Chinamp’o.

Deux plaques ont une date du début, mais pas de date finale. La première commémore les contributions du Canada au maintien de la paix. L’année 1948 y a été inscrite, suivie par un trait d’union. Le Moyen-Orient, Chypre, l’Indochine, l’Asie, l’Afrique et les Balkans y sont commémorés. La dernière plaque commémore la période d’après la guerre froide, commençant en 1989, et suivie par un trait d’union. Y sont inclus la guerre du Golfe, les Balkans et l’Afghanistan.

Une plaque titre portant le nom de Pont de la bravoure a été apposée à chaque bout du pont. Les butées, situées à chaque bout du pont, sont des obélisques qui ressemblent à des petites pyramides empilées l’une sur l’autre. Les plaques titres sont bien en vue, à droite quand on s’approche du pont. Chacune mesure 59 pouces sur 29,25 pouces.

À chaque extrémité du pont se trouve aussi une plaque de dédicace où il est déclaré que : “Pont de la bravoure est dédié à tous les Canadiens qui ont servi à la défense de la liberté aux grandes batailles et campagnes depuis le tournant du 20e siècle. Nous leurs sommes redevables.”

La cérémonie du baptême du Pont de la bravoure, le 1er décembre, a eu lieu en un jour froid et humide qui a apporté un prélude hivernal. Alors que la neige se changeait en giboulée, un cornemuseur menait le groupe officiel de la Maison de la Légion, le long de la rue Castlefrank, jusqu’à l’extrémité sud du pont. Auparavant, un groupe d’anciens combattants et de membres du service des incendies d’Ottawa avaient défilé en prenant le même chemin jusqu’au pont. Le groupe de personnalités comprenait le ministre de la Défense Gordon O’Connor, le maire Larry O’Brien et le président national Jack Frost.

Les anciens combattants et les pompiers ont pris leur place en voyant le groupe de notables s’approcher d’une tente qui avait été montée à la hâte. Un ancien combattant et un pompier se tenaient à côté de chacune des 16 plaques qui étaient encore recouvertes d’un tissu foncé.

O’Brien a remarqué que c’était son premier geste, à cette cérémonie, en tant que maire d’Ottawa nouvellement élu. “C’est passionnant de célébrer non seulement la dénomination du pont mais de célébrer notre partenariat avec la Légion royale canadienne”, dit O’Brien. “Les gens qui vont traverser le pont vont se souvenir des batailles et de la meilleure récompense d’entre toutes, la Croix de Victoria.”

O’Connor dit que le projet est une oeuvre d’amour qui a servi à honorer la tradition à laquelle les Forces canadiennes en Afghanistan et ailleurs dans le monde sont en train de se conformer.

Le président national fait la synthèse de l’événement. “Il y a deux mois et demi à peine, nous avons ouvert notre nouveau siège social, lequel va servir à nous indiquer la voie de l’avenir. Depuis 1926, la Légion est une force pour les anciens combattants, pour la collectivité et pour le souvenir. Et nous espérons que le nouveau siège social va nous servir pendant au moins 50 ans de plus.

“Quand nous avons acheté le terrain où nous avons fait bâtir, nous avons été touchés par la beauté et la proéminence de ce merveilleux pont favorisant les piétons qui venait d’être construit. Avec des butées massives aux coins et des trottoirs exceptionnellement larges, c’était clair qu’il avait été conçu en tant que corridor important pour les véhicules ainsi que pour les piétons. Mais de façon surprenante, il n’y avait pas de nom significatif servant à compléter sa présence énergique et fière.

“Alors nous avons considéré. Vu que le pont est un lieu de passage majeur qui traverse le Queensway, cela nous a rappelé que tant de nos morts ont traversé tant d’autres ponts lors de leur poussée vers la paix et la liberté. Grâce à leur vaillance et à leurs sacrifices, nous sommes vivants aujourd’hui qui pouvons chérir la libéralité que Dieu nous a léguée à tous”, dit-il. “En leur honneur, donc, nous avons proposé qu’en reconnaissance de tous ceux qui sont passés avant nous par cette route périlleuse et ce pont vers la liberté, nous allions nommer ce pont en leur honneur, pour commémorer leur bravoure et leur ultime sacrifice. Le Pont de la bravoure raconte leur histoire de batailles, de campagnes, de victoires et de défaites. En les racontant, nous pouvons affirmer ce que nous leur devons et exprimer notre gratitude, et que leur sacrifice et leur engagement ne seront jamais oubliés. Nous nous souviendrons d’eux!”

Le président national et le maire ont alors dévoilé une reproduction des plaques titres. La conseillère Marianne Wilkinson, qui représente Kanata Nord, et la conseillère Feltmate ont ensuite dévoilé les plaques de dédicace.

Ceci fait, les anciens combattants et les pompiers ont levé le voile qui recouvrait les plaques et peu de temps après la circulation a repris son affairement sur le pont qui venait de devenir un jalon municipal de la capitale du Canada.

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